Patrick Tosani — Œuvres, 1980-2011

Exposition

Photographie

Patrick Tosani
Œuvres, 1980-2011

Passé : 20 avril → 19 juin 2011

Patrick Tosani s’est imposé dès le début des années 1980 avec une œuvre combinant l’héritage des avant-gardes des années 1970 et l’affirmation du medium photographique comme mode d’expérimentation. La place occupée par ses travaux n’a cessé de croître depuis.

Regroupant plus de 200 œuvres, l’exposition retrace son parcours, de ses premiers travaux jusqu’aux photographies les plus récentes et parfois inédites. Elle est organisée par séries (objet, corps, architecture…) et occupe l’essentiel des espaces de la MEP.

Dès les années soixante, les Allemands Bernd et Hilla Becher, en rupture avec la Subjektive Fotografie d’Otto Steinert et le mythe du reportage indexé sur le célèbre « instant décisif », ont inventé une esthétique qui doit beaucoup à l’art conceptuel et au minimalisme, élaborant une pratique du constat, de l’archivage, de la sérialité et de la pure frontalité de l’image. Travail austère et ambitieux, qui renvoie à la « matité » du réel, à son entêtement à être là et à ne point signifier : châteaux d’eau, hauts-fourneaux, maisons à colombages froidement répertoriés, paysages d’où tout lyrisme de la nature, toute poétique urbaine sont exclus, visages devenus faces.

Mais du même coup, la polémique était aussi engagée contre le post-modernisme : réappropriation des styles, pratique de la citation, maniérismes, assomption du kitsch. C’est dans ce lignage, théorique autant que plastique, que s’est inscrit en France le courant dit de l’« Autre Objectivité » — en référence à la Neue Sachlichkeit allemande des années vingt — défendue par le critique d’art Jean-François Chevrier dans les années quatre-vingt, et dont relèvent des artistes tels que Hannah Collins, Jean-Louis Garnell, Suzanne Lafont, Jeff Wall et, donc, Patrick Tosani.

Mais si Tosani a incontestablement continué de pratiquer une photographie conceptuelle et minimaliste, il a aussi et surtout tracé une voie singulière et expérimentale, tout en préservant la « forme-tableau », emblématique de l’École de Düsseldorf. Tosani insiste d’ailleurs lui-même sur son côté expérimentateur, énonçant de sa photographie qu’elle est « enregistrement puis témoignage d’une expérimentation ».

L’originalité de Tosani réside sans doute dans le fait que son œuvre témoigne d’un phénomène tangible, d’une présence réelle, mais où la réalité est finalement « remise en cause, interrogée, déjouée et questionnée de manière poétique et presqu’existentielle dans notre rapport au monde ». Par où Tosani s’éloignerait d’un strict paradigme objectiviste. En témoignent notamment ses jeux avec l’échelle et son questionnement récurrent autour du corps.

Jeux d’échelle : Tosani joue systématiquement sur la monumentalisation et, à l’inverse, sur la miniaturisation des objets, créant de ce fait une perpétuelle déstabilisation perceptive. Gigantisme des cuillères (Cuillères, 1987), triviaux objets du quotidien qui accèdent ainsi au rang de totems, des talons de chaussures (Talons, 1987), devenus arches, ponts, sculptures, ou, a contrario, des petites figures emprisonnées dans la glace, à peine perceptibles, mystérieuses et enfantines (Le Coureur, L’Equilibriste, Valse, etc., 1982).

Mais s’il est une grande question qui traverse l’œuvre de Tosani, c’est à n’en pas douter celle du corps. Corps déjà présent/absent dans la série consacrée aux talons, dans les multiples travaux effectués autour du vêtement — aplati, déplié, froissé, rigidifié, encollé — corps oblique à travers la « peau » des tambours qui connote doublement l’épiderme humain et le toucher — frapper des mains musiciennes (Géographie, 1988), corps en filigrane dans la série qui expose des silhouettes évanescentes derrière une écriture en braille (Portraits Braille, 1985).

Mais le corps se donne aussi plus brutalement, voire avec violence, dans ces corps masculins ramassés sur eux-mêmes, dépourvus de membres et de têtes, semelles de chaussures écrasées sur une plaque de plexiglas, tels des boulets qui atteindraient frontalement le spectateur (CDD, 1996), et dans ces crânes pris en plongée directe, découpés sur le néant, qui se métamorphosent, selon la chevelure, en hérissons ou en galets veinés d’algues (Têtes, 1992).

Toutefois, le corps ne se réduit pas, chez Tosani, à une forme sculpturale plus ou moins abstraite : il suscite aussi des effets — loin, encore une fois, de l’objectivisme pur — tels que le sentiment d’étrangeté ou encore de dégoût.

Ainsi, en plans très rapprochés, de ces ongles cruellement rongés (Ongles, 1990), qui disent l’angoisse du sujet et suscitent chez le regardeur un sentiment mêlé ; ainsi surtout de ces « bouchées » (Sans titre, 1992), qui connotent davantage encore un corps vivant, mangeant, mâchant et recrachant la nourriture.

Pour autant, et contrairement à ce qu’une approche purement formaliste pourrait le laisser supposer, l’œuvre de Tosani n’est ni grave, ni pesante : son conceptualisme n’exclut pas une forme de légèreté poétique, voire d’humour. Que l’on regarde ces enfants dont le visage offert et le torse fragile sont entourés de splendides corolles de tissus, des chemises encollées : rouge écarlate, bleu turquoise, vert jade, jaune orangé, véritable symphonie picturale et jouissance de l’œil (Regards, 2001). Ou bien ces masques (Masques, 1998), quant à eux réalisés à partir de pantalons rigidifiés, ludiquement percés de larges trous évoquant les yeux étonnés des masques primitifs aux vertus magiques. Ou enfin ces chaussures « lactées », découpées et emplies de lait (Les Chaussures de lait, 2002), qui ne sont pas sans évoquer une démarche surréalisante.

Patrick Tosani a su ainsi, tout en préservant la force conceptuelle de son travail, inventer une œuvre parfaitement originale qui fait éclater les cadres stricts de l’« Autre Objectivité », et s’aventurer vers des terrains singuliers, où se nouent pureté du minimalisme et ludisme des formes, où se déclinent enfin les différents états du corps. Une œuvre vivante, en perpétuel devenir, et dont la séduction plastique emporte l’adhésion du regardeur.

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5-7, rue de Fourcy

75004 Paris

T. 01 44 78 75 00 — F. 01 44 78 75 15

Site officiel

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Horaires

Du mercredi au dimanche de 11h à 20h
Jeudi 11h — 22h — Le samedi 10h — 20h — Fermeture les 25 décembre et 1er janvier (fermeture des expositions à 17h les 24 et 31 décembre)

Tarifs

Plein tarif 12 € — Tarif réduit 7 €

Gratuit aux moins de 8 ans, personne handicapée, personnel de la Ville, carte presse et les mercredis entre 17 et 20h

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