Pieter Vermeersch
Exposition
Pieter Vermeersch
Passé : 12 janvier → 23 février 2013
Cette nouvelle exposition de Pieter Vermeersch se compose de trois éléments qui offrent une large compréhension de sa manière de penser et de travailler.
A première vue, la série de nouveaux tableaux est caractérisée par une apparence éthérée. Il s’agit de peintures, qui au niveau perceptif pourraient se placer dans le prolongement des traditions du Color Field d’après-guerre. Elles sont d’assez grand format, de manière à ce que le spectateur devienne pour ainsi dire partie intégrante de la couleur qui se développe imperceptiblement dans des nuances chromatiques parfaites, expérience de sensations qui échappent aux mots.
Ce sont des tableaux qui autorisent une profondeur inversée ; des tableaux condensés où se déroule un processus devenu explicite dans une autre salle de cette exposition où une photo est chaque fois accrochée au milieu d’une vaste feuille blanche. Ces photographies encadrées qui concentrent de manière intense le regard doivent être considérées comme l’index qui accorde un accès aux processus des nouveaux tableaux monumentaux de Pieter Vermeersch.
Pieter Vermeersch photographie le ciel, le plus souvent le soir, indiquant parfois des informations relatives au contexte urbain, mais sans nuages qui pourraient apporter à la spatialité de l’image une orientation trop narrative. Ces photographies comme base d’une intervention picturale sont imprimées en négatif dans une tentative de l’artiste d’entrer pour ainsi dire de l’autre côté de la réalité, une ambition qui est utopique mais qui reste en soi le mobile permanent de la recherche artistique et de sa production.
Les couleurs de ces photos imprimées en négatif échappent au contrôle de l’artiste, et lui procurent la liberté de se concentrer dans des zones inconnues de la peinture. Dans ce « négatif », la couleur bleue bascule dans une sorte de variante indéfinie, blafarde et délétère, d’orange. Ces couleurs « négatives » et vagues des photos sont ensuite reproduites picturalement dans les nouveaux tableaux de Pieter Vermeersch, qui nous donne à voir la couleur de « l’autre côté » de la réalité.
Pieter Vermeersch ne se perd pas ici dans une espèce de peinture à connotation métaphysique et renvoie partiellement, à travers l’intitulé concret des œuvres, au monde « mesurable ». Des titres comme Untitled (50°54’37” N, 4°24’26” O) 1 ou Untitled (50°54’37” N, 4°24’26” O) 2 démystifient la peinture sublime en apparence à travers la provenance et la localisation concrètes de la photographie utilisée.
Sur les photos présentes ici sous forme d’un cliché dans un grand encadrement « blanc », on peut voir les configurations subtiles de traces de doigts faites avec de la peinture, qui sont perçues comme un rehaussement concret sur la surface chimique de la photo.
L’artiste désigne le fait de tâter la couleur sur la photo, avec la peinture, comme une forme de lecture personnelle de l’image. Le mélange et le fait d’apposer la peinture avec le doigt comme une pratique pour faire fusionner la peinture et la couleur de la photo est et reste une œuvre perpétuelle. Ces photos, avec ces traces de doigts, peuvent être considérées comme une métaphore de la lecture « colorée » a priori de la réalité.
Pieter Vermeersch pénètre dans l’image via les empreintes de ses doigts tel un désir introspectif accentué par le fait de présenter la photo dans le contexte d’un cadre blanc, de manière à ce que son positionnement exige l’attention et mette en perspective un regard concentré.
Pieter Vermeersch pactise pour ainsi dire avec les couleurs (chimiques) de la photographie afin de s’approcher le plus précisément possible de la couleur. La symbiose sur le cliché entre la couleur de la photo et l’approche chromatique et picturale des « traces de doigts » de l’artiste font des ces photographies encadrées une sorte de vade-mecum pour la nouvelle série de tableaux monumentaux de Pieter Vermeersch.
Ce procédé place la peinture dans une nouvelle perspective et l’interprétation, dans une autre dimension. A travers le médium photographie et le fait de traduire en négatif l’image photographique, une nouvelle issue pertinente est trouvée pour la peinture, où la couleur n’est pas considérée comme une transcendance mais plutôt comme le produit d’un regard « en négatif» sur la réalité concrète. La sublime suggestion dans ces tableaux semble signifier ni plus ni moins l’interprétation d’une simple photo « du monde ».
La peinture murale en « dégradé » avec une alternance blanc/ bleu et blanc/ noir reçoit ici un point de fuite et de basculement perceptif sous forme d’un miroir. Le « dégradé » visualise la « mise en peinture » du temps sur le mur et réussit à plonger le spectateur dans une réalité « atmosphérique » qui peut aussi s’expérimenter comme une construction mathématique.
Cinématographiquement, cette peinture murale, à travers un procédé préalable précis, est mélangée et classée pour être ensuite appliquée sur les murs, en continu, comme une séquence fluide ; comme la pétrification d’un acte artistique qui fige l’irréversibilité du temps. Le miroir dédouble et spatialise la peinture murale et place paradoxalement et physiquement le spectateur dans une illusion concrète.
Dans cette intervention murale éphémère, le spectateur est totalement livré à la réalité de la couleur qui, dans le cas de la manifestation d’un bleu surgissant et disparaissant à nouveau dans le blanc, évoque la perspective atmosphérique. Dans la variante noire, une connotation directe avec la photographie devient visible ; comme le lent « développement » d’une image photographique noir et blanc.
Les « dégradés » de Pieter Vermeersch deviennent les supports d’expériences de perceptions infinies où les spectateurs mobiles évoluent à l’intérieur d’un cycle chromatique d’apparitions et de disparitions, à l’instar du temps, du rythme de la vie et de la nature.
L’artiste
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Pieter Vermeersch