Romuald Hazoumè
Exposition
Romuald Hazoumè
Passé : 19 avril → 16 juillet 2016
Je renvoie à l’Ouest ce qui lui appartient, c’est à dire, le refus d’une société de consommation qui nous envahit chaque jour.
Romuald Hazoumè
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Gagosian Gallery présente une exposition des œuvres de Romuald Hazoumè. Retraçant les deux dernières décennies, l’exposition est organisée par André Magnin, et présente des sculptures, des installations, ainsi qu’une photographie à grande échelle.
Hazoumè est né en République du Bénin. Il est d’origine Yoruba. L’œuvre d’Hazoumè renvoie audacieusement et avec un œil critique aux réalités intuitives et immédiates de l’Afrique contemporaine ainsi qu’aux plus larges ramifications politiques et culturelles de la Pan-Afrique dans un contexte global. Bricoleur-accompli dont la monnaie d’usage est faite de matériaux trouvés et recyclés (par exemple, le bidon en plastique de 50 litres ou encore celui d’essence, considéré comme le contenant de base d’un achat illégal d’essence bon marché en provenance du Nigéria); Hazoumè a recours à des stratégies esthétiques de répétition et de combinaison dans le but de créer des objets puissants d’une grande élégance, mis en lumière par des titres dont les jeux de mots suggèrent une richesse dans les références et les insinuations.
Peut-être que l’aspect le mieux connu de l’œuvre d’Hazoumè (qui utilise tous les médiums y compris les œuvres visuelles ou sonores) réside dans ses sculptures individuelles de masques. Dans le monde entier, les masques ont longtemps été utilisés lors de rituels sacrés ou de performances; les masques africains sont parmi les tout premiers biens de valeur échangés entre l’Afrique et le monde occidental. Parmi les artistes occidentaux modernes, l’altérité intrinsèque de ces masques est devenue un catalyseur essentiel dans la façon de transformer le regard et d’annoncer la naissance du Modernisme. Libérés de leur lien au rituel, les masques de Hazoumè adaptent sciemment « le matériel » de l’art africain aux réalités contemporaines. Composés de bidons en plastique et autres détritus, et empreints de sous-entendus, les masques incarnent la prise subversive de l’artiste sur les inégalités d’échanges continues entre l’Afrique contemporaine et le monde occidental. Comme le suggèrent les titres des œuvres, chaque masque représente aussi une véritable personne ou un stéréotype que l’artiste a rencontré et ensuite représenté—atteignant une qualité illusoire débordante comme le montrent un contenant de détergent abandonné et combiné à des cheveux artificiels tressés, des échantillons de tissus, ou encore une tête de balai—capturant parfaitement l’essence de la personnalité de Chouchou, Nanawax, ou Dr Walker.
En contraste avec l’échelle intimiste des masques, des installations monumentales sont exposées. Rat-singer: Second Only to God! (2013) est, sans aucun doute, une riposte sardonique aux conseils paternalistes adressés aux africains par le Pape Benoit XVI durant sa visite de 2011 au sujet de la société africaine, son économie et sa spiritualité. Dans l’œuvre, un grand rat blanc est perché sur la barre transversale d’un bateau renversé, composé entièrement de bidons aplatis, chavirant dans un tourbillon de contenants, identiques, en plastique. Les associations avec l’art et la vie abondent: du Radeau de la Méduse de Théodore Géricault aux images de réfugiés désespérés amarrant sur les côtes européennes—auxquelles nous devons faire face chaque jour.
mongouv.com, une autre installation à la dimension écologique, est constituée d’un mur incurvé composé de bidons multicolores entassés, faisant face à un petit amas des mêmes bidons étendus sur le sol—une réflexion acérée sur les ironies meurtrières de l’existence post-coloniale.
L’œuvre de Hazoumè souligne les conséquences persistantes de la corruption et de l’esclavage dans l’Afrique postcoloniale: les façons multiples par lesquelles les gens ordinaires continuent d’être subjugués par les forces insidieuses du pragmatisme économique et politique. Les œuvres d’Hazoumè sont immédiates et saisissantes; cependant elles sont effervescentes et font écho à des implications de grande importance. Sur le plan conceptuel mais aussi esthétique, ces pièces viscéralement et adroitement façonnées reflètent l’ordre mondial tel un écosystème interdépendant, élucidant sombrement la nature manichéenne de ses interconnections.