Ruoxi Jin — Microclimats

Exposition

Installations, techniques mixtes

Ruoxi Jin
Microclimats

Encore 29 jours : 16 octobre → 22 novembre 2025

Mennour présente la première exposition personnelle de Ruoxi Jin à la galerie, qui transforme pour l’occasion l’espace en un territoire singulier, un espace-temps où coexistent des objets rencontrés fortuitement, chargés de résonances intimes.

Intitulée « Microclimats », l’exposition se déploie comme un voyage intérieur, une narration dont la temporalité implicite est celle d’un vol aérien, du décollage à l’atterrissage. Ce trajet métaphorique explore les rapports de l’artiste à la fragilité de l’existence évoquant la peur, la séparation et la mort. Chaque œuvre agit comme un microclimat : autonome mais reliée aux autres, comme autant de réalités parallèles partageant un même présent. L’exposition se lit ainsi comme une traversée, ponctuée de turbulences, d’accalmies et d’instants suspendus qui jalonnent un itinéraire intime.

Les objets deviennent autant d’instants fugaces, de souvenirs surgissant au gré des pensées, des arrêts sur image dans le flux continu du temps. Simples en apparence, ils se révèlent être des points d’ancrage poétiques, des fragments de mémoire capables de condenser une expérience à la fois personnelle et universelle.

Ensemble, ils composent une constellation hétérogène, une véritable topographie de l’émotion et du souvenir.

Éternuement télépathique, nez d’avion au centre de l’exposition, retient un éternuement, violent mais contenu. En Chine, éternuer signifie que quelqu’un pense à vous : il devient instrument de télépathie, captant l’angoisse et les pensées de l’artiste. Près de lui, l’œuvre Jumeaux, composée d’un œuf et d’une poupée gigogne, évoque réparation et réincarnation, suggérant que l’avion pourrait avoir été un oiseau dans une vie antérieure.

Certains objets marquent des seuils, signalent une arrivée ou un départ. Mousson, Grêle, deux parapluies, l’un orné de grelots, l’autre décoré de perles, évoquent à la fois le bruit de la pluie, de la grêle et des clochettes que l’on accroche aux portes des maisons. Leur tintement fragile devient métaphore du temps qui s’écoule, rappelant que chaque instant porte déjà en lui la trace du départ. Dans Averse, cette logique se prolonge : les flotteurs suspendus au corps du parapluie, simples outils utilitaires, se transforment en vecteurs de causalité, annonçant ou déclenchant des événements, visibles ou invisibles.

La mémoire familiale irrigue certaines pièces : Le long voyage du membre fantôme, une jambière, inspirée du souvenir des blessures de la grand-mère de l’artiste devient un membre fantôme, image de réparation et de guérison. Ce geste de réparation résonne avec les trois baleines de parapluies disposées dans l’espace. En chinois, « parapluie » (saan) se prononce comme « séparation ». Ouvert à l’intérieur, il porte malheur, annonce la perte, qu’elle soit affective ou matérielle. Ici pourtant, ces parapluies agissent comme des anti-malheurs et reforment du lien contre la séparation. Comme la jambière, ils transforment la vulnérabilité en protection : l’un soigne le corps blessé, l’autre protège les liens fragiles.

Les poupées gigognes, fabriquées dans la ville natale de Ruoxi Jin, apparaissent ici dans leur état brut, parfois tranchées pour révéler leur intérieur. Dépourvues de visage, elles perdent leur identité et deviennent coquilles, moules, espaces négatifs où se loge le temps. Chaque poupée est à la fois corps et enveloppe, contenant et vide, seuil d’une existence enchevêtrée. Cette même logique se déploie dans In the warm winter of 2020, scientist Juoxi G. lost his favorite suitcase during a research trip on microclimates. Five years later, a steamer trunk marked with his initials arrived—bearing the same pair of holes on its body.

Archaeologists have dated the trunk to the late 19th century. Has the lost case found its way back? — Local Daily News, reported by Rosy J., un coffre de voyage que l’artiste a trouvé habité par des guêpes. Archive fragile d’une occupation passagère, il témoigne de la persistance de la vie dans les interstices.

Plusieurs œuvres interrogent l’artifice et la manière dont les symboles se rejouent ou se déplacent. Certaines œuvres intègrent des pierres de go, semées à la surface ou nichées à l’intérieur comme les traces d’un jeu suspendu, de manière aléatoire. Cette réflexion se prolonge avec Sans-titre (feu d’artifice), un feu d’artifice composé de clous projetant leurs ombres comme une pluie. Depuis l’avion, l’artiste imagine la scène à une autre échelle : le spectaculaire devient intime, et l’éphémère se mue en permanence. Issue de secours condense ces logiques. Une fausse pêche, poncée jusqu’à révéler son « os » est traversée d’une aiguille d’horloge fluorescente. En chinois, « pêche » et « s’enfuir » se prononcent de la même manière : l’objet devient à la fois symbole de protection et d’immortalité, et métaphore de l’évasion.

Au terme du voyage, Tempo primo est le métronome qui marque le retour au tempo initial : l’atterrissage du vol imaginaire, rythme régulier qui clôt turbulences et ramène à un temps commun.

Marilou Thirache

06 St Germain Zoom in 06 St Germain Zoom out

47, rue Saint-André des arts
6, rue du Pont de Lodi

75006 Paris

T. 01 56 24 03 63 — F. 01 40 46 80 20

www.kamelmennour.com

Odéon
Saint-Michel

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 19h

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L’artiste