Abel Techer
Par la peinture, le dessin, la photographie et la sculpture, Abel Techer incarne la performativité des genres telle que Judith Butler l’a théorisé dans son ouvrage Trouble dans le Genre (1990). En 2015, il réalise un nouvel autoportrait. Une œuvre sans titre où l’artiste se représente le torse nu, légèrement de trois quarts. Tandis qu’il nous regarde fixement, il pince et rehausse sa poitrine. Au mur, au-dessus de lui, sont accrochés deux pompons en laine, signes d’une masculinité vulnérable. En bas de la composition à gauche est déposée une paire de ciseaux évoquant la coupure, la castration, la transition. Plusieurs récits nous sont proposés, à nous de nous projeter. Cette œuvre, présente à la Maëlle Galerie, témoigne d’une rencontre plastique et politique avec Abel Techer.
Cinq années ont passé. Si Abel Techer mène une recherche déterminée par les problématiques de l’autoreprésentation, de l’autofiction et de la performativité des genres, les œuvres récentes attestent d’une radicalisation de son positionnement vis-à-vis d’un refus d’une binarité étouffante. Aux normes déterminantes et rassurantes, Abel Techer préfère le trouble et une pluralité d’alternatives. Cheveux rasés, l’artiste fait de son corps un objet, un mannequin en plastique qu’il habille, déshabille, asccessorise et maquille sans relâche. Un corps imberbe, sans âge et sans contexte. Un corps libéré d’une identité toxique à laquelle chacun.e devrait se conformer : être assigné homme ou femme de la naissance jusqu’à la mort. Un corps mis en scène au creux de fantasmes ou de fantasmagories dont le lieu serait l’enfance. Les peluches, les bibelots, les motifs et les couleurs pastel nous renvoient vers ce territoire où le mouvement est permanent. Un moment de transition, de transformation où les corps ne sont pas encore tout à fait normés. Un moment de jeu, de peurs, de rêves, de devenirs.
Abel Techer parle de corps incomplets : « Le corps comme la représentation sont en train de se construire ou se défaire, c’est un état transitoire, une plateforme en mouvement. » Le choix d’un traitement académique participe d’une volonté de s’inscrire dans une histoire de l’art jusqu’ici écrite et fabriquée par les tenant.e.s du patriarcat. Le classicisme des peintures et des dessins est un statement plastique et politique. Par lui et par une douceur hautement subversive, Abel Techer introduit l’insolence, la joie, la vulnérabilité, l’ironie et l’inconvenance. Car il s’agit en creux de signifier l’exclusion de corps soigneusement mis à l’écart d’une histoire de l’art trop autoritaire et trop malveillante. Dans la lignée de ses ainé.e.s, l’artiste s’engage pour un art pensé par-delà les normes et les traditions, un art absolument queer.
Julie Crenn
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Abel Techer est né en 1992 à La Réunion. Vit et travaille à La Réunion.
Il a suivi une formation à l’Ecole Supérieure d’Art de la Réunion où il obtient son DNSEP en 2015 avec les félicitations du jury. Il a également étudié à la Escuela Superior de Arte y Diseño de Alicante (EASDA) en Espagne.
On a vu son travail entre autres à la Biennale art nOmad (Arnac-la-Poste / Bourges / Paris / Calais / Bruxelles / Berlin, 2018), au centre d’art Transpalette (Bourges, 2018), à ZO Anima (Nîmes, 2017), au FRAC Poitou-Charentes (Angoulême, 2017), au Musée de Stella Matutina (La Réunion, 2017), à l’Institute of Contemporary Art Indian Ocean (Île Maurice, 2017), à la Cité des Arts (La Réunion, 2017), à la Maison consulaire (Mende, 2017), à l’Ancien Hôtel de Ville, (Saint-Denis, la Réunion, 2017), au Musée Léon Dierx (2016, La Réunion) ainsi qu’au FRAC Piton Saint-Leu (La Réunion, 2015).
Ses œuvres sont dans les collections du Musée Léon Dierx, du Frac Poitou Charentes et du Frac Réunion.
Abel Techer
Contemporain
Peinture
Artiste française née en France.
- Localisation
- La réunion
- Thèmes
- Adolescence, autoportrait, corps, enfance, érotisme, fiction, figuration, histoire de l'art, identité sexuelle, imaginaire , jeux , liberté, métamorphose, mise en scène, narration, peinture, réalisme