Clément Bagot
Clément Bagot définit volontiers ses œuvres (qu’il s’agisse des volumes ou des dessins) comme des « paysages mentaux ». Ses dessins apparaissent comme une cartographie cellulaire, dense, dotée de stratifications et librement rythmée à la manière d’un set de jazz. Ses sculptures — constructions de tailles variées évoquant des vaisseaux spatiaux, des villes de science-fiction ou des arches revenues du futur — se bâtissent sur le mode de la prolifération modulaire.
Partant de quelques éléments architecturaux qu’il commence par assembler entre eux (éléments souvent mis au point par l’artiste avant même de savoir comment ils seront intégrés à l’œuvre), l’artiste construit ses maquettes de proche en proche, au gré des propositions de son imagination.
Parmi ses réalisations actuelles, on distingue essentiellement deux types. Il y a celles qui se bâtissent à la manière d’échafaudages mâtinés de carcasses de cétacés, comme dans L’Étalon (2010), pièce imposante de 3 mètres de longueur. Il y a aussi celles qui prennent la forme d’une coque (vaisseau spatial ou grotte), ainsi la récente Ovum, tel un astéroïde en suspension. A chaque fois, on note la délicatesse des pièces utilisées qui définissent autant de cellules en cours de démultiplication, et les formes issues d’une science-fiction high-tech non dépourvues de traits anthropomorphiques.
En réalité, aucun des éléments utilisés n’est réellement identifiable. Tout se passe dans la suggestion de formes, et la perception du spectateur évolue en fonction des références qui l’habitent. On verra dans les maquettes un monde à la Schuiten et Peeters, une arche de Noé du futur, un engin aérien sorti de Star Wars ou bien encore un monde souterrain construit par des bâtisseurs lilliputiens.
Pour réaliser ses sculptures, l’artiste détourne de leur usage premier toutes sortes d’éléments. Dans son atelier on remarque les cartons qui recèlent les mystérieuses réserves de ses matériaux. Sur sa table de travail, scalpels et spatules de quelques millimètres de large rappellent la précision extrême du travail. Mais on sait aussi que l’artiste — à la fois maître d’œuvre, maître d’ouvrage et ouvrier — fait appel à des techniques plus lourdes (menuiserie, électricité, thermoformage).
On pourrait être tenté d’extrapoler le propos de l’artiste et de le tirer vers les recherches sociales ou utopistes menées par une certaine architecture actuelle. Une observation minutieuse arrête très vite une telle tentation. L’univers de Clément Bagot est en effet inhabitable, chaque œuvre (qualifiée de maquette à défaut d’une dénomination plus juste) ne pouvant exister qu’à l’échelle à laquelle elle a été réalisée. Chacune est un monde clos, un univers possible qui a fragilement pris corps. Seul le rêve du spectateur est assez plastique pour y pénétrer, grimper le long des piliers, se faufiler d’une plate-forme à l’autre.
Fait de formes aériennes et se déployant dans un jeu de transparences, l’univers de Clément Bagot se tient sur une ligne délicate, au-delà du fantasme désincarné et tout près de l’avènement réel d’un ailleurs.
Clément Bagot
Contemporain
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