François Morellet
Le peintre François Morellet est l’auteur de nombreux tableaux déjà classiques, tels que 4 doubles trames traits minces 0°-22,5°-45°-67,5° de 1958 (Paris, Musée national d’art moderne), une œuvre uniquement composée de 12 réseaux de lignes noires parallèles qui se croisent sur un fond blanc sans que n’apparaisse aucun motif, et Répartition aléatoire de 40 000 carrés selon les chiffres pairs et impairs d’un annuaire de téléphone, 50 % rouge, 50 % bleu de 1960 (collection de l’artiste), une peinture comportant réellement 40 000 éléments rouges et bleus disposés au hasard à l’intérieur d’une grille orthogonale très fine, dont le principe fondé sur le système binaire et le résultat anticipent la révolution numérique et bouleversent les conventions artistiques.
François Morellet dès le début des années 1950 a fondé son art en utilisant des formes élémentaires, la ligne, la grille, le carré, arrangées selon des principes simples, débouchant ainsi sur la production de structures illimitées et de rythmes répétitifs, neutres tant dans leur forme que dans leur exécution. Ces œuvres vides de tout message offrent la présence de leur réalité matérielle et une exploration inédite du monde visuel. François Morellet appartient de fait à la tendance de l’abstraction géométrique qui s’est manifestée dans la seconde moitié du XXe siècle : il en a recueilli l’héritage provenant de l’art concret notamment, il a su le transformer par ses apports personnels et l’engager dans une voie nouvelle.
Pour réaliser ses tableaux, François Morellet a aussi eu recours, dès 1963, à la lumière artificielle en utilisant des tubes de néon. Par la suite et depuis plus de quarante années, il n’a cessé d’enrichir son langage, de préciser sa pensée, de donner de nouveaux développements à son art. L’un des plus importants concerne son implication dans l’architecture. À partir de ses tableaux, François Morellet a su trouver les éléments nécessaires pour se tourner vers l’architecture au début des années 1970 et passer dans le domaine du décor monumental. Sa réalisation la plus célèbre et qui fit beaucoup pour sa notoriété reste l’œuvre intitulée Trames 30°-87°-93°-183°, qu’il fit peindre en 1971 avec des lignes rouges et un fond bleu sur les murs du plateau La Reynie à Paris près du site où devait s’élever le Centre Pompidou, en s’inspirant des motifs de lignes parallèles se croisant qu’il avait auparavant utilisés dans sa peinture. Depuis cette date, François Morellet présente à son actif plus de 100 réalisations dans ce domaine, présentées dans de nombreux pays, des États-Unis jusqu’au Japon, en passant par l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, la France bien entendu, même au musée du Louvre, où se trouve depuis 2010 un ensemble de vitraux ornant un escalier du XIXe siècle, suivant le principe des formes basculées et décalées qui a retenu son intérêt à partir des années 1970.
Une autre part de son activité directement liée à sa production picturale se révèle tout aussi importante, bien qu’elle ait été moins mise en évidence : elle concerne les installations, ces œuvres éphémères que François Morellet réalise au gré de ses expositions. Elles présentent des types variés comme celle présentée en 1971 dans le vestibule du Centre national d’art contemporain (Cnac), rue Berryer à Paris, pour sa première exposition personnelle dans une institution publique française. Elle était faite de rubans adhésifs noirs apposés sur les murs de l’escalier de façon à dessiner une grille régulière sans tenir compte des reliefs du décor. En 1986, invité à exposer au Schloss Buchberg non loin de Linz en Autriche, François Morellet avait installé une toile blanche sur le mur d’une salle de façon à recouvrir une crevasse, mais en plaçant sur celle-ci une branche trouvée dans le parc, il en reproduisait le dessin, annulant ainsi l’effet du cache. À Tournus, il installe en 1990 sur le sol du réfectoire de l’abbaye où son exposition a lieu, un ensemble de tubes de néon bleus clignotants, disposés en quinconce selon deux axes différents de manière à occuper toute la surface. Ces trois installations sont conçues en fonction du lieu et inspirées par le contexte. Elles sont réalisées sur place, rapidement et à moindres frais. À la fin de la manifestation, elles disparaissent. Évoquant par leurs principes et leur exécution les pratiques d’artistes tels que Christo, Joseph Beuys ou Walter De Maria, ces œuvres ont aussi beaucoup à voir, notamment dans leur côté éphémère, avec les actions, happenings et autres performances données par des artistes comme Robert Rauschenberg, George Brecht ou Bruce Nauman. Les installations constituent en quelque sorte des réponses de nature différente à un besoin de réagir et de s’exprimer dans un contexte donné, où la part de spectacle, la nécessité d’improviser, le goût du risque et l’esprit de la fête sont des données essentielles. La première exposition à avoir mis l’accent sur cette pratique qui commençait à se développer a été organisée par Harald Szeemann à la Kunsthalle de Berne en 1969 sous le titre « Quand les attitudes deviennent formes ». De Daniel Buren au début des années 1970 à Olafur Eliasson aujourd’hui, nombreux sont les artistes qui ont recours à ce genre, auquel une manifestation comme la « Nuit blanche » qui se déroule chaque année en octobre à Paris est exclusivement consacrée. Il revient à François Morellet d’en avoir été l’un des pionniers, à travers sa participation aux œuvres collectives du Groupe de recherche d’art visuel dès 1963, et d’y avoir recouru de façon régulière à partir de 1969, comme l’a bien montré le catalogue publié en 1994 par Susanne Anna à l’occasion de l’exposition de l’artiste au musée municipal de Chemnitz. C’est au total beaucoup plus de 200 installations1 que François Morellet a réalisées, avec le même plaisir et, peut-on ajouter, avec la même courtoisie. Le Centre Pompidou, suivant le souhait de l’artiste, a choisi de leur consacrer une exposition pour la première fois, en reconstituant quelques-unes des plus exemplaires d’entre elles. […]
1 Le catalogue de Susanne Anna (François Morellet. Installations, chemnitz / Stuttgart, Städtische Kunstsammlungen / Daco-Verlag Günter Bläse, 1994) en inventorie 183 jusqu’en 1993, mais de nombreuses installations n’ont pas été prises en compte, faute de documents et de mentions dans les archives de l’artiste. Depuis cette date, c’est pratiquement à chacune de ses expositions que François Morellet a installé ce genre d’ouvrage.
François Morellet
Contemporain
Installations, peinture, sculpture
Artiste né en 1926. Mort en 2016.
- Thèmes
- Abstraction géométrique, conceptuel