Vincent Hawkins
Les couleurs que Vincent Hawkins suspend au mur, bouts de papier frêle ou de carton léger, flottent dans l’espace et demeurent sensibles au moindre souffle. Punaisées ou parfois simplement posées au sol, elles affichent un équilibre délicat, que tout son travail s’efforce de maintenir. Sur le fil du rasoir, ce sont des rebuts de peinture, à peine des sculptures, qui procèdent d’un dépouillement progressif des moyens de l’artiste. Alors qu’il réalisait des peintures sur toile, celui-ci a déporté son attention sur les morceaux de carton qui guidaient le dessin des formes. Les lignes malhabiles et les coups de pinceau débordant sur ces pochoirs improvisés laissent, en marge des tableaux, des productions modestes qui ne demandent qu’à être redressées. Quelques lignes de pliage marquent leur surface. Parfois une seule. Trois fois rien. L’arrangement des fragments suffit à faire œuvre quand apparaît, du mur au sol, une vaste composition toute bigarrée, faite de lignes brisées et de correspondances de couleurs ; avec pour seul fond le blanc du mur, contrastant (mais si peu) avec celui, en réserve, du papier. C’est un agencement méticuleux et précis, qui procure paradoxalement l’impression d’être ouvert. Sa précarité apparente illustre le processus créatif qui guide cet art éphémère : où tout peut être fait puis défait, tandis que l’artiste réemploie des matériaux pauvres. Les toiles que continue d’exécuter Vincent Hawkins tirent leçon de ce rythme qui organise (dans le temps comme dans l’espace) les fragments bariolés. On peut y observer des repentirs perdus parmi des motifs qui semblent découpés à la manière de collages. Les formes y sont, là encore, en suspens — et leur harmonie, de toute évidence, est affaire de fragilité.
— Antoine Camenen pour L’ahah, 2019.
Vincent Hawkins
Contemporain