Armineh Negahdari — parfois un peu beaucoup

Exposition

Peinture, techniques mixtes, vidéo

Armineh Negahdari
parfois un peu beaucoup

Passé : 7 septembre → 7 octobre 2023

Armineh Negahdari et Lola Gonzalèz manifestent très directement ce qui les traverse. Elles ont en commun ce temps précieux qu’elles prennent pour s’écouter dans le but de se voir soi-même et voir le monde tel qu’il est plutôt que tel qu’on voudrait le voir. Chez Armineh, cette volonté d’entrer en contact profond avec la vie passe par une production intense d’atelier, jusqu’à saturer le sol de dessins pour pleinement utiliser sa capacité à donner sans la dominer. Pour Lola, sonder sa propre vision du monde revient à se connecter à celle des autres, à proposer une relation de respect, d’engagement et de confiance qui s’épanouit dans l’action collective et l’investissement affectif, sans limite de temps. Armineh se met du côté de l’écrivain et cinéaste Ebrahim Golestan en nous précisant qu’elle aussi n’a aucun problème avec la nuit. La difficulté, c’est d’attendre le matin. Il faut être patient pour aller vers la lumière, comme il faut être tenace pour s’investir aujourd’hui, comme le fait Lola, dans une éthique de l’amour.

I will show you fear in a handful of dust.
Je vous montrerai la peur dans une poignée de poussière. T.S Eliot, The Waste Land.

CB : Cette citation repérée dans une de mes lectures de l’été1 aide ma réflexion à circuler autant du côté des dessins et sculptures d’Armineh Negahdari que de celui du film de Lola Gonzalèz intitulé Appelle-moi.
Plusieurs raisons me poussent à emprunter ces mots comme trait d’union pour réfléchir aux manières qu’ont ces deux artistes-conteuses de co-produire le réel en s’attachant subjectivement à créer de multiples versions du monde alentour qui dit désordre, violence et effondrement. Ce à quoi elles répondent par des histoires de contextes. Des histoires qu’elles n’ignorent pas, par besoin et par conscience sociale. Un besoin que nous partageons. C’est cela aussi mettre la peur à distance : témoigner, apprivoiser et animer un milieu, s’accorder à ce qui existe et à ce qui est perdu. Armineh et Lola font preuve d’une grande économie de moyens dans leurs propositions qui n’ont rien d’innocent. Si Armineh organise la poussière de graphite, de fusain et de pastel gras, elle superpose à cette idée de restes (ou de “poignée de poussière”) des formes capricieuses cultivées dans un désert de sable, où l’on finit par rencontrer, caché à l’intérieur de l’œuvre, un profond désir de croire en dépit de tout. Chaque différent papier, chaque bout de toile est le support d’une autre matière : un tissu émotionnel qui ne nous est pas étranger. Ainsi, le monde, si souvent séparé, entre en nous et nous rend plus actifs et actives. Lola est consciente des obstacles qu’il faut supprimer pour qu’une meilleure communication s’établisse entre les êtres humains, pour qu’un rapport spirituel se fonde et cimente les images en un système de vie. Une langue inventée puis réinterprétée peut aider. Ces valeurs spirituelles, ce lien non rentable avec un être ou un objet est éprouvant à matérialiser, c’est pourquoi, en retour, il faut se préparer à recevoir une œuvre. Il est toujours plus facile de juger d’une œuvre que de s’en imprégner. Aimer et croire pour mettre la peur à distance, pour ne pas être indifférent·es ou impuissant·es. Armineh le montre avec des formes sèches dont il faut imaginer, non sans plaisir, les contours exacts, les couleurs, l’intérieur, la saveur. Lola le filme en plaçant deux portraits de femmes en creux qui hantent le paysage par leurs connaissances, leur omniprésence, leur empathie et leur humour.

IA : Se positionner à l’intérieur d’une œuvre plutôt que comme juge extérieur, c’est une bonne définition de la façon dont nous considérons je crois, le travail de la galerie. Etre avec Armineh au cœur de sa pratique du dessin, c’est se rendre compte à quel point humains et pierres, êtres animés et inanimés relèvent d’une même logique. Du moins sur le plan de la représentation telle qu’elle la pratique. Regarder un travail artistique depuis l’intérieur, c’est aussi accéder plus aisément aux représentations du monde en jeu dans son élaboration. Ainsi, on décèle chez Armineh comme chez Lola, une forme d’animisme contemporain : un paysage et une voix humaine recèlent une équivalence, un corps est à quelques traits de n’être qu’une pierre, qu’un fruit. On pourrait parler de leur économie de moyen comme un lien à des formes du passé, conceptuelles ou minimales. J’ai plutôt envie de les relier à une volonté délibérément prospective de se tourner vers ce qui fait notre futur immédiat : que restera-t-il de l’humain dans notre monde en proie à la catastrophe ? L’issue proposée est un être diffus, pierre ou forêt, qui n’existe plus que par sa voix ou son contour esquissé, formé de rebus de tissus (comme dans les nouvelles sculptures d’Armineh). Un être qui a abandonné toute volonté productive, compétitive et n’est plus maître de tout. Un esprit qui hante le monde qu’il a détruit.

Armineh Negahdari est née en 1994 à Téhéran et vit aujourd’hui à Clermont-Ferrand. En 2019, elle intègre le Master 2 en peinture de l’Université de Téhéran. Elle poursuit ses études en France et obtient en 2022 un DNSEP à l’École supérieure d’art de Clermont Métropole. Elle a participé depuis à la 16ème édition de nopoto à Paris, ainsi qu’à la 28ème édition de Première au centre d’art contemporain de Meymac (30.10.22 — 15.01.23) suivie d’une nouvelle présentation au Centro de Arte Oliva à Sao Joao da Madeira (8.04 — 16.06.23). Elle est actuellement exposée au Grand Café de Saint-Nazaire au sein de l’exposition “Souvenir Nouveau” (cur. Anne Bonnin), visible jusqu’au 10.09.2023.

Née à Angoulême en 1988, Lola Gonzàlez vit à Paris. Diplômée des Beaux-Arts de Lyon en 2012, elle est actuellement résidente du Pavillon Neuflize OBC, le laboratoire de création du Palais de Tokyo, qui a présenté son travail à plusieurs reprises au sein de ses murs. Elle a récemment participé à l’exposition collective “Antéfutur” présentée au musée d’art contemporain de Bordeaux (7.04.23 — 3.09.23) et présentera son prochain film intitulé “Mouradia” (2023) au centre culturel Labanque de Béthune, dont le vernissage de l’exposition “A nos élans” aura lieu le 14.09.23.

1 Jean-Christophe Cavallin, Valet noir, Éditions Corti, 2021

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