Chloé Quenum — Overseas
Exposition
Chloé Quenum
Overseas
Passé : 19 mai → 6 juin 2021
Chloé Quenum — Les Bains-Douches, Alençon Avec l'exposition Overseas, Chloé Quenum poursuit sa démarche aux Bains-Douches d’Alençon en proposant un parcours qui invente ses propres règles pour mieux en éprouver les nôtres.Overseas est né des recherches de Chloé Quenum autour de l’ananas et de sa circulation entre les continents et les siècles. A partir de ce fruit qui, depuis les années 1980, orne les étals des marchés occidentaux, Chloé Quenum nous invite à un voyage au cœur de ce qui crée l’exotisme et nos relations à l’« ailleurs ».
On entre dans Overseas comme dans une capsule : les fenêtres deviennent ici trompe-l’œil peints, fenêtres thématiques qui s’ouvrent sur l’histoire et les représentations majeures de l’ananas. Ce voyage réflexif et sensible s’arrime à l’iconographie exotisante du fruit, jouant et rejouant ses motifs répétitifs afin de mieux les questionner, les sonder, les épuiser.
Une nuque en gros plan répond à un paysage de vagues. Dans une autre fenêtre, les détails de l’écorce d’un ananas dialoguent avec l’intimité d’une chevelure ondulée face à l’océan. La pointe d’un mat de bateau fait irruption : est-ce un bateau de plaisance dans un paysage idyllique ou le navire de Christophe Colomb qui pour la première fois au XVe siècle a transporté l’ananas vers l’Europe, du Brésil au Portugal ? Un peu plus loin, entre une fleur et un ciel azur, une main brune se rapproche d’un fruit, semblant le présenter ou l’offrir. Est-ce une publicité contemporaine vantant le gout de l’ananas ou l’évocation du transfert de richesses et de savoirs au profit de l’Europe, qu’implique en contexte colonial, l’exploitation de ce fruit ? Cette succession de scènes, jouant sur les échelles et les temporalités, suggère toujours un paysage ou une histoire hors cadre qui brouillent les lectures classiques de ces images stéréotypées. Extraites de leurs contextes et mises en perspective, elles deviennent paysages dissonants, signes disruptifs questionnant les histoires enfouies sous la symbolique de l’image exotique. Ces peintures disent en filigrane les complexités et violences des circulations transocéaniques de l’ananas.
Overseas expose une cartographie de stéréotypes qui perdurent. C’est peut-être ce que nous indique Teardrop, ce porte manteau-œil au nom évocateur, qui semble scruter ces images et leurs spectateurs, les engageant à fouiller ce que ces représentations laissent aux marges. Et à interroger à travers elles, qui parle et pour qui ?
Du motif emblématique du fruit exotique nait ainsi un écheveau de questions et d’histoires : histoire de déplacement, de circulation mais aussi de conquête mettant en lumière dans la géographie des végétaux, les traces du colonial dans le post-colonial.
Maïa Hawad