explicite lyrique
Exposition
explicite lyrique
Encore environ 2 mois : 9 janvier → 1 mars 2025
Avec les artistes : Ethan Assouline, Pauline Boudry / Renate Lorenz, Georges Juliette Ayrault & Louis Chaumier, Anne-Lise Coste, Pierre Creton, Brice Dellsperger, Lou Fauroux, Romain Grateau, Dorothy Iannone, Monica Majoli, Gyan Panchal, Bruno Pelassy, Jean-Charles de Quillacq, Sarah Tritz et Zohreh Zavareh.
« J’ai vécu au sein d’un poème lyrique, comme tout possédé. » Pier Paolo Pasolini, Qui je suis (éd. Arléa, 1999)
« La faim de la peau. Parfois j’avais l’impression que ma peau me faisait mal comme un ventre vide. Les poils fins sous mon nombril semblaient se redresser comme s’ils voulaient toucher quelque chose. Ma bouche s’ouvrait quand je dormais et ma langue se dressait dans l’air, s’étirant, s’étirant. Je me réveillais de rêves où je me dressais, telle la levure, vers une étreinte qui accueillait et satisfaisait cette faim, une étreinte que je désirais désespérément. » Dorothy Allison, Peau (éd. Cambourakis, 2015)
La première exposition de la galerie, Moon Star Love (14.11.2009-23.01.2010), esquissait moins un programme qu’une ambiance et une façon de travailler à deux, de confronter nos subjectivités et de nous accorder comme deux instruments qui joueraient désormais ensemble. L’exposition explicite lyrique marque les 15 ans de Marcelle Alix en célébrant l’ouverture à une troisième subjectivité, celle de Florence Bonnefous et au programme d’Air de Paris. Ainsi nous continuons à imaginer la galerie comme lieu de mise en commun et de discussion et l’exposition comme expression de l’amitié.
Isabelle Alfonsi : Grâce à toi Florence, j’ai rencontré Dorothy Iannone lorsqu’elle exposait son œuvre Story of Bern au Centre culturel suisse à Paris (3.06-10.07.2016) et j’ai pu échanger avec elle sur l’anticonformisme puissant de son travail où l’explicite est rayonnant et synonyme d’égalité, où le plaisir de faire de l’art est inséparable de l’expression de la liberté. Quand nous avons commencé à échanger avec Cécilia sur ce qui ferait cette exposition à six mains, j’ai eu envie de rapprocher Dorothy Iannone de Dorothy Allison, infatigable défenseuse de l’émancipation des femmes (de leur milieu d’origine, de l’hétérosexualité obligatoire) et porte-voix du féminisme pro-sexe et lesbien. Les œuvres des deux Dorothy manifestent une humeur frondeuse qui je l’espère transparaîtra dans notre accrochage. Des petits théâtres de Sarah Tritz comme mini mises en scène de corps-jouets à l’énième remake de Nights in White Satin par la voix caverneuse de Romain Grateau, en passant par le dialogue entretenu par Ethan Assouline avec un bébé marxiste, les artistes invité·es aiment manipuler les références à l’excès, comme autant de clins d’œil à leurs « ami·es du passé. » (1) L’installation Microphone Piece de Pauline Boudry/ Renate Lorenz qui ouvre l’exposition trace à elle seule une lignée artistique queer qui part des Silent pieces de John Cage (2) pour s’achever avec Aerea Negrot, musicienne et performeuse avec laquelle les artistes ont collaboré plusieurs fois. Les communautés que nous formons avec les vivant·es et les mort·es, le présent qui vient toucher l’histoire de l’art et participe à son écriture, c’est aussi ça, l’esprit d’une galerie.
Florence Bonnefous : Depuis le début, je crois que cette exposition parle d’amour. Alors certes, qui parle d’amour pense souvent au bonheur partagé et à la joie. Mais l’amour côtoie aussi l’effroi et la douleur. Une douleur immense, si souvent répétée, qui écrase et qui tue depuis 2025 années. On voit cette douleur chez les femmes tuméfiées de Dorothy Iannone, et les travesti·e·x.s-noyé.e.×.s-suicidé.e.×.s de Brice Dellsperger qu’incarnent les belles Lupe Velez, Carole Landis et Linda Darnell, revenantes de Hollywood-Babylone. Je crois que cette exposition parle d’amour. Mais aussi d’umour. L’umour sismique-drôlatique de Anne-Lise Coste, qui nous accueille avec un FRANÇAIS FRANCAISES petit avec de grandes oreilles et LA GIFLE, romance quintessentielle des seventies. L’amour, l’umour en pratique de Monica Majoli, pour deux ébauches au fusain de 1992, qui peuvent évoquer les premières expériences au gode-ceinture, pas toujours facile à fixer, pas toujours adapté, comme le raconte Dorothy Allison dans une autre nouvelle. (3) Et on en vient aux mains ; enfin, aux gants plutôt. Gant de boucher de Bruno Pelassy — avec cotte de maille ; gant d’agriculteur de Gyan Panchal — avec anneaux de castration. Sang, sperme. Et de la cervelle animale aussi, étalée sur la grande feuille à dessin de Pierre Creton. Explicite, c’est à l’aréographe que Coste envoie, en un mot : SEX. EXPLICITE LYRIQUE, c’est aussi une œuvre qui manque, la vidéo de performance de Maia Izzo-Foulquier, néanmoins présente pour moi dans cette exposition. Tout en bas, qui se mélange avec les élans brûlants des séraphins de Dead Can’t Dance, j’entends le bruit du trafic autoroutier au sortir du Port de Marseille, personne ne prête attention au corps gracile en guêpière-talons, qui peint à la bombe les mots PUTE ET PEINTRE — sur un grand écran appuyé contre le mur comme une tapineuse.
Qu’est-ce-que tu veux ? — L’amour. C’est pas un métier ça… (4) C’est pour ça que j’ai besoin que tu entendes, nous souffle le masSque-tuyau-d’échappeMent-noir-d’encre de Lou Fauroux.
Merci pour l’invitation, à l’amitié, l’amour, la joie !
Cecilia Becanovic : J’imagine déjà une exposition à la dramaturgie aussi excitante que les photomontages de Hannah Höch, elle qui ouvrait son cœur à ces « beautés vagabondes et extravagantes qui enrichissent aveuglément la fantaisie » (5) et mobilisait tout ce qu’il faut d’énergie, d’empathie et de volonté politique pour donner une réalité à sa vision. Cette « photo-matière » dépouillée de faux-semblants confesse, comme le fait Anne-Lise Coste, un désir d’amour et de lien tellement puissant qu’il est impossible de s’en détourner. On ne discute jamais assez d’amitié et d’amour en public, alors qu’on pourrait comme nous y invite l’autrice bell hooks (6) se demander collectivement ce qui nous manque et ce qui nous ferait du bien. Merci pour le silence chères Pauline et Renate, merci aussi à celleux qui créent avec d’autres pour tenir la discussion comme elles le font depuis des années. Discuter, pour faire communauté. Travailler à une émancipation du cœur. Se révéler par un don réciproque qui renforce la valeur de l’autre. C’est ce que je perçois devant cette première sculpture commune de Georges Juliette Ayrault & Louis Chaumier. L’amour, c’est ce qu’y est fait, ce sont ces imaginaires et ces œuvres placées au milieu, entre nous, qui s’empressent de répondre à nos besoins affectifs. Jean-Charles de Quillacq, par des gestes de recadrage attentionné, réussit à humaniser ces femmes brandissant des poissons dans une revue de pêche qui est avant tout affaire de pouvoir. Dans un monde où la masculinité sexiste ne revendique aucun sentiment, l’affirmation positive de soi que je vois aussi dans le travail de Zohreh Zavareh passe comme chez Hannah Höch par un réalisme fantastique qui lui permet de se connecter à sa véritable identité. Cette exposition est une manière de se ressourcer et d’éprouver des connexions de cœur en plein travail.
Viens boire un coup dans les limbes Le seuil ici n’est pas entre corps et âme Temps et sang gouttent à nos doigts Qui attendent la prodigieuse fleur du plaisir
(1) Pauline Boudry / Renate Lorenz, Salomania, fanzine auto-publié, 2010 (2) dont le critique d’art Jonathan E. Katz soupçonne qu’elles sont un hommage à la relation intime qu’il a entretenue toute sa vie avec Merce Cunningham, à une époque aux Etats-Unis où il était préférable que les couples d’hommes ne fassent pas publiquement état de leurs relations. (3) Dorothy Allison, « Théorie et pratique du gode-ceinture », 1985, in Peau (4) Libre adaptation d’une réplique de Isabelle Adjani à Lino Ventura dans La Gifle (1974) de Claude Pinoteau. (5) « Whenever we want to force this “photo-matter” to yield new forms, we must be prepared for a journey of discovery, we must start without any preconceptions; most of all, we must be open to the beauties of fortuity. Here more than anywhere else, these beauties, wandering and extravagant, obligingly enrich our fantasy. » Hannah Höch, « On Today’s Photomontage », Stredisko 4, no. 1 (6) bell hooks, À propos d’amour, éditions divergences, Paris, 2022
Les artistes :
Ethan Assouline est né en 1994 à Paris où il vit.
Pauline Boudry / Renate Lorenz sont respectivement nées en 1972 à Lausanne, Suisse et en 1963 à Bonn, Allemagne. Elles travaillent ensemble à Berlin.
Georges Juliette Ayrault & Louis Chaumier sont respectivement nés en 1997 à Colombes et en 1995 à Paris. George Juliette vit à Paris. Louis vit entre Paris et Genillié.
Anne-Lise Coste est née en 1973 à Marseille, France. Elle vit à Paris.
Pierre Creton est né en 1966. Il vit en Normandie dans le Pays de Caux.
Brice Dellsperger est né en 1972 à Cannes, France. Il vit à Paris.
Lou Fauroux est née en 1998 à Mulhouse, France. Elle vit à Saint-Ouen.
Romain Grateau est né en 1991 à Ancenis, France. Il vit à Paris.
Dorothy Iannone est née en 1933 à Boston, Etats-Unis. Elle est décédée en 2022 à Berlin.
Monica Majoli est née en 1963 à Los Angeles, États-Unis où elle vit.
Gyan Panchal est né en 1973 à Paris. Il vit et travaille à Faux-la-Montagne.
Bruno Pelassy est né en 1966 à Vientiane, Laos. Il est décédé en 2002 à Nice, France.
Jean-Charles de Quillacq est né en 1979 à Parthenay, France. Il vit à Rome.
Sarah Tritz est née en 1980 à Fontenay-aux-Roses, FR. Elle vit à Paris.
Zohreh Zavareh est née en 1985 à Téhéran, Iran. Elle vit entre Paris et Téhéran.
Les artistes
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Jean-Charles de Quillacq
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Brice Dellsperger
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Sarah Tritz
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Gyan Panchal
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Dorothy Iannone
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Monica Majoli
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Bruno Pélassy
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Pauline Boudry & Renate Lorenz
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Ethan Assouline
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Zohreh Zavareh