Guillaume Barth — Elina 2015-2025, la promesse aux Aymaras
Exposition

Guillaume Barth
Elina 2015-2025, la promesse aux Aymaras
Dans 2 jours : 26 avril → 28 juin 2025
Vernissage le 26 avril 2025 de 15h à 19h
La Galerie est heureuse de présenter la première exposition personnelle consacrée à l’artiste Guillaume Barth permettant de prendre l’ampleur de sa sculpture intitulée Elina, réalisée sur le grand désert de sel de Bolivie, le Salar d’Uyuni, en 2015.
La nouvelle planète Elina
Elina a d’abord existé sous la forme d’une vision à laquelle l’artiste souhaita donner forme dans le réel. C’est ainsi qu’il partit en 2013 à la recherche d’un territoire propice à l’accueillir en Bolivie, et qu’il découvrit Tahua, petit village authentique sur les rives du Salar d’Uyuni, à flanc du volcan Tunupa aux cimes enneigées culminant à 5321m d’altitude. A l’opposé de la ville d’Uyuni sur le salar, la communauté des aymaras y vit entre traditions ancestrales et influence occidentale.
Après avoir recueilli les autorisations officielles de la communauté Aymara en 2013, avec la condition que le territoire soit restitué dans son état d’origine, Guillaume Barth poursuit la réalisation de son rêve et repart en Bolivie en décembre 2014, en vue de situer l’endroit précis pour la création de sa sculpture : ce sera sur le salar, à 4km de la rive de Tahua. La structure de bois hémisphérique réalisée au préalable en France est ainsi posée, le transporteur identifié pour véhiculer les deux tonnes de briques de sel, assemblées à la force des bras et liées à l’aide d’un mortier constitué de sel et d’eau, permettant de parachever l’hémisphère de 3m de diamètre (le plus haut point atteint par l’amplitude des bras ouverts de l’artiste) en décembre 2014. Début 2015, le besoin impératif d’eau amène les aymaras à se rassembler à proximité de l’église du village pour invoquer la bienveillance de la Pachamama, la Terre-Mère, en préparant la Costumbre de la pluie (Tatal Huánca), une invocation à l’arrivée de la pluie trois jours et deux nuits durant, au son du tambour et de la flûte. Le 5 janvier 2015, alors que le salar se recouvre miraculeusement de 2 centimètres d’eau, prenant l’aspect d’un monumental miroir, la sphère se révèle dans sa totalité, comme suspendue, en apesanteur entre Terre et Ciel, soulignée subtilement par une fine ligne d’horizon qui les relie, dans la pureté de vision de son créateur, portée miraculeusement à son plein accomplissement ; cette nouvelle planète est nommée Elina par Guillaume Barth, « Hélê », éclat du soleil en grec auxquels s’ajoutent les symboles Li (Lithium) et Na (Sodium) dont elle est composée. Son apparition providentielle est de courte durée car l’élément eau qui la révèle est aussi celui qui la fait aussitôt disparaître ; Elina retournera à sa condition de sel dissous dans l’eau trois jours après être apparue.
Outre le photo-reportage rare sur les rites de la Communauté Aymara de Tahua réalisé par son ami François Klein qui vécut avec l’artiste durant trois mois sur site, trois photographies de l’artiste (l’apparition de la sphère complète dans le Salar, une image prise trois jours après montrant les blocs de sel en décomposition et une vue de nuit sous la voie lactée) ainsi qu’une vidéo filmée à vélo en cercles concentriques autour de la sculpture suffiront à graver l’image d’Elina pour la postérité. Cette vision-apparition d’Elina, petite planète en apesanteur sur la planète Terre pourrait-elle suggérer le rêve d’un renouveau, d’une guérison et régénération de chaque être vivant, dans son plus pur état de conscience en respect inconditionnel de la planète qui l’abrite ? Pourrait-elle être un soin pour l’humanité, comme l’a rêvé l’artiste avant même qu’elle n’apparaisse, une planète sur la planète pour la planète et réunir les êtres qui l’habitent autour de mêmes préoccupations environnementales et spirituelles ? La forme simple, pure, essentielle de cette planète serait-elle suffisamment puissante pour engendrer un changement de conscience écologique ? Autant de questions soulevées par cette œuvre dont la force évocatrice persiste par-delà toute temporalité. Elina est une planète métaphysique qui convoque la conscience de soi, le mouvement, la régénération, la transformation, l’union de la matière et de l’esprit. Cette sculpture occupe une place toute particulière dans l’œuvre de l’artiste qui crée dans le monde entier, auprès de peuples autochtones qu’il semble particulièrement privilégier, comme l’écrit la Directrice du Musée de Strasbourg Estelle Pietrzyk à son sujet : Des déserts de sel de Bolivie aux peuples des rennes de Mongolie, du Québec au Sénégal en passant par l’Iran, Guillaume Barth poursuit une trajectoire peu ordinaire, qui décourage une lecture « classique » du parcours du jeune artiste — école / diplôme / résidence / exposition / publication… — car ce parcours vient s’entrecouper de moments mystérieux, plus proches de l’anthropologie que de la pratique artistique. Ces moments gardés secrets par l’artiste viennent nourrir une démarche, qui regarde volontiers du côté du spirituel tout en s’incarnant dans des matériaux simples qui incluent aussi une dimension de fragilité en invitant aussi le sel, des arbres vivants ou encore des pièces de tissus. (…)
Ainsi Elina semble-t-elle incarner par la pureté de sa vision une démarche artistique globale entreprise autour de la Planète Terre où l’artiste est chaque fois à l’écoute d’un paysage qu’il spatialise aussi bien physiquement que géographiquement et temporellement : depuis cette voie du ciel qu’il a tracée dès 2011 en racontant l’histoire d’un aviateur imaginaire dessinant une sculpture-avion et traversant l’Espagne, le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal… autour des forêts en Alsace en 2016-21, du sel en Bolivie en 2013-25, du safran en Iran en 2018-20, du Voyage vers l’Hyperborée tourné au nord du Québec au Canada en 2019-20, de la Milpa à présent au Mexique depuis 2023… Conscient de l’impermanence des choses, Guillaume Barth nous convoque, à travers ses œuvres, à célébrer le vivant en lui donnant une forme qu’il puise, chaque fois, auprès des civilisations les plus anciennes, enracinées dans les rites sacrés ayant su perpétuer leurs traditions.
Le contexte environnemental et social
Avec un périmètre de 150km par 100km, le Salar d’Uyuni est non seulement le plus grand désert de sel blanc au monde avec pour horizon l’infini mais contient également ce que l’on nomme l’Or blanc des Andes, la plus importante réserve de Lithium de la planète, une ressource fondamentale et un enjeu majeur de la révolution énergétique en cours, le lithium étant aux produits de haute technologie et à la voiture électrique ce que le pétrole est à la voiture à essence. En se rendant sur place à Tahua, dix années après l’apparition d’Elina, afin d’offrir aux aymaras le catalogue avec les images de l’œuvre et le photo-reportage des autochtones en 2015, l’artiste et la galeriste ont pleinement pris conscience des enjeux du salar, encore plus perceptibles en 2025. On saisit l’ampleur de la catastrophe écologique qui se profile. Le Salar d’Uyuni contient 40% du stock mondial de lithium tandis que les 2 autres salars au Chili et en Argentine en concentrent 40%, soit un triangle du lithium andin représentant 80% des ressources mondiales. Les saumures sont pompées et stockées dans des marais salants pendant plusieurs mois afin d’en extraire l’eau par évaporation : 2 millions de litres d’eau sont évaporés pour produire une tonne de lithium. L’eau des nappes phréatiques est ainsi prélevée, engendrant une véritable sécheresse des rivières et menaçant la culture de quinoa, omniprésente dans cette région des Andes. Les agriculteurs Aymaras, particulièrement touchés constatent un assèchement des rivières alentours et nous ont fait part de leur inquiétude tant au niveau environnemental que social.
Honorer sa promesse aux Aymaras
Accompagné de son ami François Klein photo-reporter, d’amis et collectionneurs de longue date, de sa galeriste en vue de la préparation de l’exposition fin avril 2025, dix ans après la naissance d’Elina, l’artiste revient sur place dévoiler le catalogue d’Elina traduit en aymara et espagnol aux habitants de Tahua, et donner un grand nombre de conférences : le 10 mars à l’Ecole élémentaire et au Collège de Tahua ; le 11 mars auprès du représentant des autorités traditionnelles, Jiliri Malicu, suivi d’une présentation dans l’Auditorium de la Mairie ainsi qu’aux Tahuenios dans le local de vie commune ; le 14 mars au Centre Martadero de Cochabamba en Bolivie puis le 17 mars à l’Académie Nationale des Beaux-arts de la Paz… Guillaume Barth souhaite non seulement prendre le pouls de la situation actuelle au sein du petit village de Tahua mais également annoncer son soutien ainsi que celui de sa galerie.
L’exposition
Outre les trois photographies immortalisant Elina réalisées en 2015 (naissance d’Elina, Elina après 3 jours, Elina de nuit sous la voûte céleste), l’exposition au sein de la galerie présentera une vidéo et la structure en bois lui ayant servi d’armature, une toute nouvelle sculpture de sel issue du Salar d’Uyuni réalisée en Bolivie, à l’occasion de ce voyage en mars 2025, ainsi qu’un Livre d’artiste Elina contenant 3 petites photographies en édition limitée à 100 exemplaires. Il a été décidé par l’artiste et la galerie de reverser 10% des ventes aux populations locales afin de contribuer à sensibiliser l’opinion publique à l’exploitation en cours du lithium qui menace leur équilibre. En faisant apparaître la forme d’une planète blanche sur le territoire sacré de la communauté Aymara, Elina pose une interrogation universelle et suscite une prise de conscience planétaire.
Inspirée par les rites et traditions de civilisations ancestrales, l’œuvre de Guillaume Barth nous ramène au sens caché des choses — l’œuvre du Vivant — et nous relie à une conscience intuitive profonde, par-delà le visible.
La galerie remercie la Collection Fondation François Schneider, Wattwiller pour le prêt de la vidéo Le deuxième Monde, Elina (2015) présentée dans le cadre de l’exposition.
L’artiste
Guillaume Barth est né en 1985 à Colmar, il vit et travaille entre Sélestat en Alsace et Amatlán de Quetzalcoatl au Mexique. Il est diplômé du Studio National des Arts contemporains du Fresnoy en 2021, et de l’option Art de l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg en 2012. Il est lauréat du prix de la fondation Martel Catala pour le projet de livre de la Nouvelle forêt en 2023, lauréat du prix Talents Contemporains de la Fondation François Schneider à Wattwiller (FR) en 2019, lauréat du prix de la Fondation Bullukian à Lyon (FR) en 2017, ainsi que du prix Théophile Schuler (FR) en 2015. Il a participé au 61ème Salon de Montrouge à Paris (FR) en 2016.
Mes idées se construisent depuis des lieux différents, ont des formes originales qui semblent s’éloigner les unes des autres, mais à y regarder de plus près, leur part d’invisibilité se recouvre dans un même ensemble. Depuis une petite décennie, les lignes de forces formelles et sémantiques qui émergent de mes sculptures, formes simples et formes de la nature, motifs de la sphère, du cycle et de l’ouverture, phénomène d’absorption et de réflexion visuelle, exploration géographique, fictions réalisées, récits transculturels, inscription dans les paysages, apparition et disparition, floraison et enracinement tentent de faire sens à travers une approche aussi sensible, réflexive qu’artefactuelle. Elle se caractérise, avant tout geste, par une capacité attentionnelle aux éléments du monde Vivant.
Guillaume Barth, 2023
Elina 2015-2025, la promesse aux Aymaras est une proposition originale de l’artiste Guillaume Barth pour la galerie Jeanne Bucher Jaeger. L’exposition comprend une sélection d’œuvres inédite avec le travail documentaire du photographe François Klein. La publication en Aymara et le voyage en Bolivie en 2025 ont été soutenus par l’ambassade de France en Bolivie et la Galerie Jeanne Bucher Jaeger.
Le Projet Elina 2013-2015 a été soutenu par l’Institut français de Paris, la région Alsace, la ville de Strasbourg, le Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines (CEAAC), le SHADOK, fabrique du numérique de Strasbourg, l’Alliance française et l’ambassade de France en Bolivie. Le projet s’est construit en collaboration entre les artistes Thomas Lasbouygues et Guillaume Barth.
Le photographe François Klein a été invité pour effectuer le travail documentaire du Projet Elina.