Jakob Lena Knebl — Come together, right now. Over me.

Exposition

Installations, peinture, sculpture, techniques mixtes

Jakob Lena Knebl
Come together, right now. Over me.

Passé : 7 juin → 31 juillet 2019

Jakob lena knebl galerie loevenbruck paris 12 1 grid Jakob Lena Knebl — Galerie Loevenbruck Reprenant les paroles du refrain du célèbre _Come Together_ des Beatles en soulignant une ponctuation qui accentue sa valeur de pri... 3 - Bravo Critique

Si la notion d’espace négatif est familière à tout architecte, urbaniste, ou géographe, elle est étonnamment exceptionnelle dans le monde artistique. Un curateur part habituellement du principe qu’une exposition se définit par la somme des œuvres présentées dans un espace donné. L’exposition comme composition d’œuvres. Or, il est évident que la caractéristique ontologique de toute œuvre dépasse ses propriétés purement physiques.

Longtemps il a été possible d’observer une image en faisant abstraction du voisinage immédiat. Le cadre délimitait le champ de vision nécessaire à l’appréciation de l’œuvre, qui se présentait comme une fenêtre isolée de son contexte, un point fixe dans le temps et l’espace. On le sait, le XXe siècle n’a eu de cesse de vouloir briser cette « vision- fenêtre ». Face à un « objet insignifiant », par exemple, le minimalisme nous a incités à élargir notre champ de vision et à laisser notre regard glisser de l’œuvre au sol, du sol à l’éclairage, et, partant, à tout élément présent dans un espace donné : le plafond, les visiteurs, les cartels, les sons… et, bien sûr, l’ensemble des œuvres constituant l’exposition.

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Vue de l’exposition Jakob Lena Knebl — Come together, right now. Over me., galerie Loevenbruck, Paris, 2019 Photo Fabrice Gousset

Cela peut paraître tomber sous le sens, mais notre manière d’aborder les œuvres a été si longtemps formatée par la pratique de la « vision-fenêtre », qu’il est encore aujourd’hui difficile de concevoir l’exposition comme autre chose qu’une composition d’œuvres, autrement dit la présentation d’un certain nombre d’œuvres selon un ordre et une composition, voire un thème, bien précis. Pourtant, ce qui occupe le plus de volume dans une exposition, ce ne sont pas les œuvres mais bien l’espace entre les œuvres, qui relie et rend possible chaque élément de l’exposition : un espace que l’on peut qualifier de négatif. Et si la tâche du curateur n’était pas justement la gestion de cet espace négatif ? C’est, après tout, cet espace que traverse le visiteur ; ses allées et venues entre les œuvres dessinent une chorégraphie chaque fois renouvelée. S’il est aisé pour un urbaniste, notamment, de souligner sur une carte l’existence d’espaces négatifs, il est en revanche plus ardu pour un curateur de rendre visibles de tels espaces. L’importance de la tâche est néanmoins capitale, puisqu’il en va du fonctionnement de notre vision.

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Vue de l’exposition Jakob Lena Knebl — Come together, right now. Over me., galerie Loevenbruck, Paris, 2019 Photo Fabrice Gousset

Un film, un livre, une pièce de théâtre nous imposent d’être en face ou autour du médium. L’exposition est le seul médium qui se traverse physiquement. En se déplaçant, notre corps s’active dans un système de correspondances physiques avec les œuvres. Il faut un certain temps pour marcher d’une œuvre à l’autre, et ce temps est propre à chaque visiteur : il dépend de son état physique et psychologique. L’exposition est reçue et comprise prioritairement avec le corps, dans une façon de se mouvoir dans l’espace, dans une manière de découvrir et de réfléchir avec son corps.

Rares sont les curateurs qui intègrent dans leur pratique la notion d’espace négatif et les mouvements du corps du visiteur. La difficulté vient en partie de ce que l’on parle ici de notions relativement invisibles. L’espace négatif est justement celui que l’on ne perçoit pas, en tout cas pas dans une exposition classique, où l’on attend du visiteur qu’il se concentre sur ce qui est exposé, à savoir les œuvres. Quant au mouvement du corps, il est également attendu qu’il soit régi par les œuvres, à savoir la distance idéale et l’éclairage adéquat pour les apprécier, et peut-être aussi le chemin à parcourir pour lire le cartel.

Le travail de Jakob Lena Knebl met en lumière la manière dont les identités personnelles et collectives peuvent se transformer, se renouveler et s’adapter en fonction des environnements que l’artiste construit. Voir une œuvre d’art intégrée dans un contexte mêlant design, mode, architecture et décoration d’intérieur lézarde le mur des conventions curatoriales qui prônent un environnement relativement neutre et surtout une imperméabilité entre les différents médiums. Dans une exposition traditionnelle, on n’accroche pas un vêtement sur une sculpture de Giacometti, on ne joue pas avec une poupée de Bellmer, on ne montre pas une peinture de Magritte dans un miroir…

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Vue de l’exposition Jakob Lena Knebl — Come together, right now. Over me., galerie Loevenbruck, Paris, 2019 Photo Fabrice Gousset

Dans une exposition pensée par Jakob Lena Knebl, si ! Ces actions ne visent certainement pas à choquer le visiteur. L’artiste-curateur nourrit un dessein beaucoup plus ambitieux : offrir la chance au regardeur de s’abstraire des hiérarchies culturelles qui génèrent des niveaux d’interprétation s’excluant mutuellement. Nous n’avons pas appris à regarder un tableau de la Renaissance comme une pièce d’art contemporain, il nous semble naturel d’attribuer à une œuvre d’art conceptuel des interprétations différentes de celles d’une tapisserie décorative, nous avons tendance à regarder une table de salon différemment d’une sculpture aztèque. Ces multiples manières d’aborder les objets qui nous entourent nous amènent la plupart du temps à établir des hiérarchies ontologiques entre, par exemple, les beaux-arts et le design ou entre l’architecture et la décoration d’intérieur.

En envisageant des environnements qui aplanissent toute hiérarchie, où une peinture est intégrée dans une architecture qui elle-même s’imprègne d’éléments de décoration, de design et de mode, Jakob Lena Knebl instaure un dispositif dans lequel l’espace négatif s’évapore. Le visiteur n’est plus invité à se déplacer d’un point A à un point B, d’une œuvre à une autre, où l’espace entre A et B n’est qu’un chemin invisible que le corps de chaque spectateur vient tracer, et où A et B forment des pôles hiérarchiquement supérieurs. Les dispositifs mis en place par l’artiste-curateur permettent alors de considérer l’espace d’exposition comme un champ d’intensité variable où chaque élément contribue à créer ce qu’un philosophe comme Tristan Garcia, à la suite de Manuel DeLanda, nomme une « ontologie plate », assurant à tout objet, à toute image une égale « dignité ».

Marc-Olivier Wahler, directeur du Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH)

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Jakob Lena Knebl est née en 1970 à Baden, Autriche. Elle vit et travaille à Vienne et Berlin. Elle est représentée par la galerie Belmacz à Londres et la galerie Georg Kargl, à Vienne. Dans son travail, elle interroge la façon dont les identités sont co-construites à travers l’art et le design, et comment elles peuvent être transformées à travers ces disciplines. Ses œuvres récentes ont été réalisées au moyen de compositions d’œuvres historiques ou contemporaines d’autres artistes, ainsi que d’objets de la culture européenne contemporaine empruntés au domaine de la mode ou du design, entre autres. Cela se manifeste dans des installations multimedia, que l’artiste nomme « desirerooms ».

« Come together, right now. Over me » est la première exposition personnelle en France de l’artiste autrichienne Jakob Lena Knebl. Pour cette occasion, elle puise dans le fonds et la collection de la galerie Loevenbruck, et compose, aux côtés de ses dernières créations, avec les œuvres de Morton Bartlett, Hans Bellmer, Alfred Courmes, Sonia Delaunay, Key Hiraga, Arnaud Labelle-Rojoux, Tony Matelli, Philippe Mayaux, Paul McCarthy, Pierre Molinier, Frédéric Pardo, Steven Parrino, Ashley Hans Scheirl, Alina Szapocznikow, entre autres.

Jakob Lena Knebl et Ashley Hans Scheirl exposent dans le cadre de la Biennale de Lyon du 18 septembre 2019 au 5 janvier 2020, les Usines Fagor, Lyon.

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6, rue Jacques Callot

75006 Paris

T. 01 53 10 85 68 — F. 01 53 10 89 72

www.loevenbruck.com

Mabillon
Saint-Germain-des-Prés

Horaires

Du mardi au samedi de 11h à 19h
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