Raphaël Tachdjian — Solo Show dessins

Exposition

Dessin

Raphaël Tachdjian
Solo Show dessins

Passé : 6 février → 8 mars 2014

Ce sont des enfants. Les chaussettes à pois, à rayures, les robes roses ou avec des fleurs dessus, les petits souliers noirs vernis, les cartables sur le dos. Ce sont des enfants et ils font du vélo, de la balançoire ou ils vont dans l’eau avec des masques pour voir. Ce sont des enfants et ils baissent leur culotte ou remontent leur jupe pour montrer leur culotte parce que ce sont des enfants. Ils font des jeux et on dirait qu’ils ricanent ou bien qu’ils crient, qu’ils hurlent même. Ce sont des enfants et ils ont des secrets, des trucs à deux, à trois. Ils glissent leurs mains dans des lieux interdits, découvrent des choses à eux. Ils se reniflent, se touchent. Ils cèdent aux indécences. Et maintenant voilà qu’ils tremblent. De peur, d’effroi. Ce ne sont plus des enfants. Et malgré eux, ils forment des monstres, des fantasmes, des folies.

Les dessins de Raphaël Tachdjian racontent l’impossible innocence, ce qui est à jamais perdu. Ils disent le sexe qui sidère, le sexe qui prend les corps, tue ou enflamme les désirs. Le sexe qui dévore, immobilise, fascine, dérange, dérègle, gouverne. Il y a deux traits distincts dans les dessins de l’artiste. Un trait précis, catégorique avec lequel il marque les corps adultes, les seins, les culs. Et puis un trait qui claque des dents, un trait agité, fragile, qui tressaille. « Seul moyen d’approcher la vérité de l’érotisme : le tremblement » disait Bataille. Raphaël fait des collages, des chevauchements. D’une image frontalement érotique mimant la photographie, il fait s’échapper des bras, des jambes, des têtes embrouillées de gamins, de gamines affolés. La superposition devient une étreinte fatale. Et ce ne sont plus des enfants, ce sont des prisonniers. Ils portent dans leur ventre, dans leur crâne ou sur le dos, un destin, un coït interminable. Leurs visages sont des gribouillis contrôlés, des griffures. Raphaël dessine des angles morts et on les regarde comme au travers d’un judas, en cachette, à l’abri. Il montre ce qui ne peut être vu avec un sens de la poésie et de la dérision soufflé dans ses titres. Raphaël croque l’éros comme des larmes, un « monde dément », une obsessive épreuve du désordre.

Et puis, il y a d’autres dessins, au fusain. Des dessins comme un théâtre d’ombres. Des dessins comme les tableaux d’une revanche noire où des enfants traversent la nuit, le brouillard et le chaos. On ne voit pas leurs visages, ce sont des silhouettes charbonneuses. Ils marchent dans des forêts avec des capuches sur leurs têtes et on se croirait presque dans un conte des frères Grimm. Les arbres sont partout et leurs branches, des bras de Shiva émaciés. Là, ils n’ont plus peur de rien. Et ils avancent comme des petits guerriers en laissant une botte géante en caoutchouc derrière eux. Dans un autre paysage, un garçon regarde, paisible, les mouvements d’une rivière. Pourtant, au dessus de lui et sur un pont, il y a un grand corps inerte. Et comme un achèvement, on revient à la ville. Et la ville brûle, chauffe, s’embrase. Décor d’une émeute, terrain d’un jeu cruel. Et dans les flammes, le désordre, une colonie d’enfants dansent, jouent ou jettent leurs bras vers le ciel. Ils fêtent leur victoire, leur vendetta. La joie explose et on dirait la fin d’un monde. Dans l’euphorie et la fumée, on peut voir des formes se balancer. Ce sont des hommes pendus par les pieds et dessous, des gosses en liesse qui s’amusent, qui se marrent. Ce sont des enfants terribles. Et Raphaël Tachdjian signe ici, l’un de ses dessins les plus fous, les plus beaux.

Julie Estève, janvier 2014
03 Le Marais Zoom in 03 Le Marais Zoom out

322, rue Saint Martin

75003 Paris

T. 01 42 71 78 20

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Du mardi au samedi de 14h à 19h

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