Jean Dubuffet — Le Cours des choses

Exposition

Dessin, edition, graphisme, peinture...

Jean Dubuffet
Le Cours des choses

Passé : 10 septembre → 17 décembre 2022

Jean dubuffet jeanne bucher jaeger 2022 2 grid Jean Dubuffet — Galerie Jeanne Bucher Jaeger La galerie Jeanne Bucher Jaeger présente une exposition exceptionnelle de Jean Dubuffet, riche de nombreuses œuvres courant des ann... 2 - Bien Critique

Cette exposition de Jean Dubuffet (1901-1985), initialement prévue le 5 février 2022, a été déplacée suite au décès de son marchand Jean-François Jaeger le 26 décembre 2021, et modifiée afin de la lui dédier en hommage. Son titre Le Cours des choses fait autant référence à l’œuvre Le Cours des choses-Mire Boléro G174 de 8m de long que Jean-François Jaeger avait présentée à la galerie en 1985, acquise la même année par le Centre Pompidou-MNAM, qu’elle fait écho à la symbolique du titre en rapport avec le récent décès de son marchand qui l’a promu avec ferveur dans le temps.

Conçue comme une « *biographie au pas de course* » de l’œuvre de Jean-Dubuffet exposée depuis 1964 à la galerie, l’exposition présente peintures, sculptures et œuvres sur papier des différents cycles de l’artiste exposés à la galerie, des années 50 à 1985 : le long cycle de l’Hourloupe (1962-1974) que la galerie a promu exclusivement avec Ernst Beyeler durant plus de 10 ans, les Psycho-sites, les Mires Boléro et Kowloon, le dernier cycle des Non-lieux, sans oublier les Matériologies des années 50 acquises plus récemment par Véronique Jaeger et exposées à la galerie dernièrement, témoins de la période précédant l’arrivée de l’artiste à la galerie en 1964.

Cycle de 12 ans, le plus long et monumental de l’artiste, ayant initié la relation de la galerie avec l’artiste, L’Hourloupe ouvre l’exposition: il débute par de petits dessins graphiques instinctifs, exécutés initialement au stylo à bille bleu et rouge, par l’artiste alors qu’il est au téléphone comme l’illustre un grand nombre de dessins exposés tels La Machine à écrire (1964), au marker et stylo à bille qui écrit le début de la relation avec la galerie ; suivie des Brouettes, Personnages, Arbres, Ciseaux, Escaliers, Logologies, Monuments qui explorent l’infinie variété du monde à travers un trait aventureux laissant surgir des formes humaines, personnages ou objets familiers par les techniques les plus variées de markers, feutres, vinyles, collages, découpes de toutes sortes qui excitent l’artiste par leur faculté de visionnement quasi magique. Poursuivant cette aventure sur papier, l’Hourloupe prend le chemin des peintures, des sculptures qui deviendront monumentales jusqu’aux architectures les plus inimaginables telle la Closerie Falbala, à proximité de Paris, abritant le Cabinet Logologique et les Costumes du spectacle Coucou Bazar.

Après les Materiologies et l’attrait de l’Art Brut, la nouvelle cosmogonie virtuelle de l’Hourloupe est née, issue de l’esprit incandescent de l’enfance qui irrigue l’œuvre de l’artiste. Hourloupe. Loupe. Entourloupe. Horla fantastique et surnaturel… Jeux d’esprit et d’instant, spontanéité divinatoire, incantatoire, trait énergie, imaginaire en mouvement, antimatière à l’œuvre, vitalité et virtualité du réel, Houle du Virtuel… L’univers foisonnant et complexe est, à l’image de ces œuvres, un spectacle à déchiffrer dans lequel on reconnait l’écriture d’un logos en train de s’écrire, le mouvement d’un tracé qui dessine l’espace en se traçant où l’objet acquiert une vie propre.
D’un monde virtuel aux Non-Lieux, cheminement auquel l’exposition invite aussi.

Ce jeu de déplacement est visible dans l’immense peinture du Train de pendules (1965) de 4m, acquise par l’État auprès de la galerie en 1965, prêt exceptionnel du Centre Pompidou à Paris pour cette exposition, montré par Jean-François Jaeger lors du 40ème anniversaire de la galerie en 65. 57 ans après, cette œuvre dotée d’une série d’horloges dont l’activité de produire le temps est ce qui occupe l’espace, accueille le visiteur dans l’espace Marais de la galerie. Cet « entrain » engendre ainsi un espace au fil du temps, amplifie l’idée de déplacement rapide qui lui est associée. Mise en abîme du temps qui transforme l’espace, et de l’espace qui change avec le temps, cette œuvre a été choisie pour l’exposition tant pour sa profonde résonance à l’œuvre de l’artiste que son écho à l’activité de la galerie à travers le temps.
Alors que les formes et les éléments sont particulièrement imbriqués dans le Train de pendules, la peinture du Site domestique (au fusil espadon) avec tête d’Inca et petit fauteuil à droite de 1966, libère les objets du quotidien dans une quasi-apesanteur ; se détachant du fond, ils semblent flotter et mener leur vie propre.

Unique cadeau de Jean Dubuffet à Jean-François Jaeger, l’œuvre Autoportrait V du 1er décembre 1966, est la réponse, simple et directe, de l’artiste au jeune galeriste qui lui avait dit : Je ne peux tout de même pas me payer votre tête… Jean Dubuffet n’a réalisé que 6 autoportraits qu’il a offerts à quelques proches dont Max Loreau, l’auteur de son Catalogue Raisonné, Asger Jorn et Jean-François Jaeger, son galeriste français.

Convoqué comme témoin privilégié de la relation de Jean Dubuffet avec Jean-François Jaeger, le second autoportrait de cette exposition, Le Deviseur (1969), réalisé à l’issue du parcours initiatique du Cabinet Logologique et spécialement prêté par la Fondation Dubuffet, a accompagné Jean-François Jaeger durant plus de 50 ans dans sa version noir et blanc. En pleine méditation philosophique, l’artiste devise sur le Monde et semble à l’écoute d’une vérité métaphysique suprême.

Le Personnage pour Washington Parade (1973) témoigne de la monumentalité grandissante de l’œuvre de l’artiste, qui le conduira à quitter la galerie et exposer aux Etats-Unis au début des années 70, seul pays capable à l’époque de soutenir et d’acquérir ses formats gigantesques, avant de revenir à la galerie au début des années 80, où il exposera la série des Psychosites, des Mires et des Non-Lieux dont la galerie présente quelques unes des toiles emblématiques, notamment les Mires Boléro et Kowloon ainsi qu’une sélection choisie de Non-Lieux intitulés Donnée, Idéoplasme et Expansion de l’être. Au cœur de l’exposition, trois œuvres des années 50 acquises par la galerie sous l’impulsion de Véronique Jaeger dont l’*_Homme menhir_*, figure immuable traversant les siècles, qui immortalise la présence d’une figure paternelle omniprésente à la galerie durant presque 70 ans, ainsi que l’incandescente, l’ardente Terre orange aux trois hommes.

Les œuvres sur papier, privilégiées au sein de l’exposition — près d’une centaine -, et notamment le dessin, n’ont jamais été considérées par Jean Dubuffet comme des esquisses préalables aux peintures. Le dessin est champ d’exploration et de création, et permet, en accompagnant chacune des séries, une approche libérée de l’artiste : que ce soit dans ses déambulations mentales transcrites au crayon à bille, comme dans les dessins du Cycle de L’Hourloupe (1962-1974), ou encore la série des Crayonnages (1974), réalisés à l’aide de simples crayons de couleurs, ou encore les Récits et Conjonctures (1975), comportant des éléments découpés et/ou collés ; également, ses Sites aux figurines jusqu’aux illustrations de ses livres édités par la galerie tels Bon piet beau neuille, ou encore ses Mires et ses Non-Lieux, dernière série de l’artiste, que prolongent ses Activations, exécutées au crayon de couleurs quelques semaines avant sa mort en 1985 ; à l’aube de sa disparition, l’artiste, qui n’eut de cesse de désapprendre toute sa vie, laisse s’exprimer son âme d’enfant dans une simplicité essentielle.

L’espace de la mezzanine expose les multiples éditions de l’artiste réalisées par la galerie : Cerceaux sorcellent, Parade funèbre pour Charles Estienne, au relief polychrome du Personnage mi-corps, aux 52 cartes de figures extrapolatoires de l’Algèbre de l’Hourloupe et son jeu de l’esprit, aux éditions sérigraphiques sur polyvinyle du Tétrascopique et reliefs polychromes des Arborescences I et II, réalisés par une presse sous-vide acquise par la galerie jusqu’à l’édition par la galerie du livre en jargon Bon piet beau neuille qui marque le retour de l’artiste à la galerie, au début des années 80.

Les premiers contacts de Jean Dubuffet avec la Galerie Jeanne Bucher datent de 1931, il y a 90 ans.

Visitant l’exposition Marcoussis rue du Cherche-Midi, le jeune Dubuffet, tout juste trentenaire, alors à la recherche d’une galerie, signe le livre d’or d’une phrase prémonitoire : Nous finirons bien par nous rencontrer quelque part un jour. Malgré le fait qu’elle lui reconnaisse quelque talent, Jeanne Bucher n’exposera jamais l’artiste havrais.
Ce n’est que 30 ans plus tard, alors que son marchand Daniel Cordier met un terme à son activité de galeriste, que la phrase de Dubuffet prendra toute sa signification.

Jean Planque, mandaté par Ernst Beyeler pour trouver, à travers le monde, des chefs-d’œuvre contribuant à enrichir sa galerie bâloise, avait alors convaincu Jean Dubuffet, dont la renommée était déjà établie, que la galerie Jeanne Bucher pouvait, en association avec la galerie suisse, pleinement assurer la représentation de son œuvre à Paris.
S’inscrivant dans la continuité de l’exposition controversée de L’Hourloupe au Palazzo Grassi à Venise pendant l’été 1964, la première présentation de l’artiste à la galerie, célébrée sans vernissage, se tient le 8 décembre 1964.

Jean-François Jaeger, Directeur de la galerie à peine déménagée rue de Seine, se remémore sa première entrevue avec Jean Dubuffet qu’il avait soigneusement préparée afin de se montrer digne de la confiance de l’artiste. Au bout de quelques phrases, Jean Dubuffet l’interrompit en ces termes : Ce n’est pas la peine d’essayer de m’expliquer ce que j’essaie de faire, je ne sais pas moi-même actuellement ce que cela signifie.

Ainsi débute une longue et passionnante collaboration, forte de près d’une vingtaine d’expositions monographiques à la galerie et d’innombrables collaborations avec des institutions internationales. Initiée par Jean-François Jaeger qui a œuvré plus de 40 ans à la promotion de l’œuvre de Dubuffet, il est rejoint de 2003 à 2010 par Frédéric Jaeger, actuel Président des Amis de la Fondation Dubuffet, et par Véronique Jaeger depuis 2004 à sa Direction générale et actuelle Présidente de la galerie, rejointe par son frère Emmanuel Jaeger, Directeur de la galerie depuis 2015.

Tant d’anecdotes ponctuent cette histoire au long cours entre la galerie et l’artiste, en voici quelques-unes révélées par Jean-François Jaeger :

Pour l’exposition Fiston la Filoche, Peintures Monumentées de 1968-1969, pari et plaisir furent pris par le galeriste de proposer une mise en scène audacieuse des œuvres, afin de surprendre l’artiste. Jean-François Jaeger raconte : Nous guettions son arrivée. Dès la porte ouverte, il resta saisi et pantois, fit un tour de la salle et enfin, eut un moment de satisfaction qui valait tous les satisfécits du monde.
Après l’exposition du Cycle de l’Hourloupe à la galerie fin 1971, Jean-François Jaeger est invité, en 1973, par les éditions de l’Herne, à écrire un texte sur l’artiste, texte dont l’audace et l’inventivité feront date.

Pour faire face à la créativité explosive et sans limites de Dubuffet, de nouveaux défis s’imposent pour la Galerie comme la création, dès la fin des années 1960, de la société Vacuart à Ivry sur Seine, conceptualisée par un ami de Dubuffet, l’artiste Gérard Singer, avec l’aide d’un spécialiste de l’Institut National Géographique. Grâce à la technologie innovante d’une presse de thermoformage sous vide, de nombreuses éditions sérigraphiques exceptionnelles de l’artiste comme le Personnage mi-corps verront le jour.

Je ne possède pas, j’appartiens était le leitmotiv exprimé par Jean-François Jaeger tout au long de l’exercice de son métier de galeriste, vécu telle une profession de foi. Avec une dévotion et une intégrité rares, il a su perpétuer, durant plus de 66 années, l’esprit de rigueur insufflé par Jeanne Bucher tout en suivant le fil artistique de créateurs hors du commun et en œuvrant passionnément à leur promotion. La liste est longue tant son action est prolifique au sein de la galerie et dans les musées internationaux pour soutenir les artistes piliers promus et pour lesquels son expertise a été reconnue : Maria Helena Vieira da Silva et Arpad Szenes, Nicolas de Staël, Hans Reichel, Bissière, Mark Tobey, Jean Dubuffet, Asger Jorn…

Je reproduis ici ses mots sur le Deviseur, publiés dans un catalogue de 1991 intitulé Dans la perspective du Deviseur : 

Assis du bout des fesses sur un vaste siège dont la lourde implantation symbolise bien l’importance de l’environnement naturel comme point d’attachement ou comme tremplin, un petit corps arqué semble projeté non dans l’espace mais dans sa propre intériorité. Les pieds touchent à peine le sol ; (…) Un souffle puissant paraît seul capable de donner au torse la force de porter une tête impérieuse concentrée sur elle-même et sa réflexion : le regard, l’ouïe, le respir tournés vers le dedans, en une totale écoute intérieure. A cette introversion s’oppose l’ouverture de mains gigantesques dont le geste pourrait être celui d’un donateur. (…) J’ai eu un matin de mai 1985 l’émouvant privilège de porter le corps déjà figé de ce grand esprit. Je ne puis penser sans émotion à cette ultime rencontre dans l’austère chambre qu’il occupait allée Maintenon : c’était bien le Deviseur sans poids, sans épaisseur, sans voix et sans regard, dans l’éternité d’une conscience dominée.

Les mots de Jean-François Jaeger sur cet autoportrait sculpté de Jean Dubuffet qu’il a accompagné tant d’années résonnent à présent de tout leur poids.

Expositions monographiques de Jean Dubuffet à la galerie

L’Hourloupe  — 8 décembre 1964 à fin janvier 1965
Nunc Stans, Epokhé (Cycle de l’Hourloupe) — 7 avril au 30 avril 1966
Ustensiles, demeures, escaliers (Cycle de l’Hourloupe) — juin à juillet 1967
Fiston la Filoche, Peintures Monumentées (Cycle de l’Hourloupe) — 12 décembre 1968 au 8 février 1969
Cycle de l’Hourloupe — 13 octobre au 13 novembre 1971
Psycho-sites  — 9 novembre au 20 décembre 1982
Le Cours des choses — FIAC 1984
Mires — octobre à décembre 1984
Œuvres de 1953 à 1984, appartenant à la Fondation Jean Dubuffet — 12 au 30 mai 1986
Non-lieux 17 peintures et 11 dessins  — 30 septembre au 7 novembre 1987
Paysages du mental  — 31 mai au 20 juillet 1989
Dans la perspective du Deviseur : Psychosites, Mires, Non-Lieux — 31 mai au 12 juillet 1991
L’Hourloupe ou la Foire aux mirages : dessins, peintures et sculptures — ArtParis 2006 puis à la galerie du 23 mars au 29 avril 2006
Plaidoyer pour un Non-lieu — FIAC 2007
Cent dessins de Jean Dubuffet, de 1964 à 1985 — 19 mars au 30 avril 2009
Attractions terrestres, de 1943-1960 — 15 octobre au 28 novembre 2009
Matière et Mémoire, la Demeure du Patriarche, Jean Dubuffet  — 19 novembre 2013 au 25 janvier 2014
Le Cours des choses  — 10 septembre au 17 décembre 2022

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5 rue de Saintonge

75003 Paris

T. 01 42 72 60 42 — F. 01 42 72 60 49

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Saint-Sébastien – Froissart

Horaires

Du mardi au samedi de 10h à 19h

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