Jean Dubuffet — Galerie Jeanne Bucher Jaeger
La galerie Jeanne Bucher Jaeger présente une exposition exceptionnelle de Jean Dubuffet, riche de nombreuses œuvres courant des années 1950 à la fin de sa vie. Pensée comme une rétrospective « au pas de course » de l’artiste, le décès en 2021 de Jean-François Jaeger a chargé le projet initial d’une dimension de célébration, rendant hommage au galeriste qu’il fut lorsque l’artiste lui accorda sa confiance.
« Jean Dubuffet — Le Cours des choses », Galerie Jeanne Bucher Jaeger | Paris, Marais du 10 septembre au 17 décembre 2022. En savoir plus Une exposition qui se donne comme une évidence et suit les évolutions du peintre durant sa collaboration avec la galerie. Le « style » Dubuffet, si singulier, s’empare de tout ce qui l’entoure : visages, objets, paysages, dans un jeu de représentation qui ne cesse de se transformer, d’expérimenter à travers son goût de la ligne de nouvelles formes d’expression. Ces manifestations d’une identité à la force incontestable dont il faut aussi parvenir à se départir de l’évidence spontanée. Derrière la clarté contemporaine de son travail, il y a une recherche profonde que l’exposition de la galerie Jaeger Bucher rend avec une énergie analogue à la diversité des séries présentées. Dessins, peintures, sculptures, invention des médiums, les supports se succèdent et font s’altérer les temporalités. Temps long de la création, fugacité du geste, spontanéité de la trace.Une ligne qui traverse le cours des choses, en les confrontant et en les réfléchissant, dont il reste cependant le seul maître et qui suit en réalité la rigueur qu’il trace tout au long de ses travaux, comme une marque répétée du contraste au cœur des espaces de redistribution de couleurs. Fidèle à son ambivalence, la ligne, au centre de l’exposition relie autant qu’elle distingue, souligne dans la composition la dégradation qu’elle masque, comme pour mieux figurer le geste. Les images de l’artiste présentées ici semblent toujours nées « sous la main », retranscriptions de mouvements humains dont l’absence de référence à un code figure une graphie de l’émotion plus que du mot, s’élançant comme par l’action de lévitation d’un plan horizontal jusqu’à la cimaise verticale.
C’est ainsi l’un des grands paradoxes de Dubuffet que de fixer sur la toile ce qui est par définition toujours mobile chez lui. En cela peut-être Le cours des choses est-il l’un des beaux titres d’expositions qui lui ont été consacrées, évoquant la dynamique constante chez lui de l’écoulement, la diffusion et l’infusion par l’esprit d’une couleur qui, même contradictoire, s’affiche dans sa belle fluidité.
À travers son exposition, la galerie Jeanne Bucher Jaeger rend un hommage vibrionnant à son fondateur Jean-François Jaeger, plus organique et vivant que simplement sentimental, abordant sans fausseté la dynamique d’une relation continue et fait la part belle à la ligne de force d’un artiste dont le geste nervure le paysage qu’il nous fait habiter.