Freed From Designer — Maba, Nogent-sur-Marne
La Maba de Nogent présente, dans le cadre de sa programmation design, Freed From Designer, une exposition en duo de Roxanne Maillet et Felicité Landrivon qui fait la part belle à la légèreté et à l’allégresse sans s’interdire, au passage, d’inventer son propre lien, tout à fait libre, à l’histoire de leur discipline.
« Félicité Landrivon et Roxanne Maillet — Freed From Designer », La MABA du 8 septembre au 18 décembre 2022. En savoir plus On découvre ainsi, au long d’un parcours où l’absence de cartels préserve un anonymat qui fait écho à leur pratique et à leur goût de l’objet familier, deux démarches singulières qui cohabitent pourtant avec intelligence en ce que, chacun à sa manière, déjoue la continuité du regard. Des logos détournés par Roxanne Maillet qui perturbent le champ de vision en provoquant un hiatus dans le quotidien aux inventions graphiques de Felicité Landrivon dont les lettrages semblent toujours prêts à faire imploser le mot et déborder leur cadre dans une dynamique de l’urgence et de la joie qui répond à l’énergie d’une scène musicale underground qu’elle a longtemps côtoyée.La présentation sous forme de pièces de vie trouve ainsi tout son sens, jouant sur la proximité du design et sa capacité à modifier nos usages pour, in fine, s’y ancrer. Loin pourtant de rejouer ce cycle vertueux de l’économie de l’objet, les deux créatrices, en rejouant la mise en scène du quotidien, provoquent le trouble de nos intimités. Les logos de marque disparues surgissent en mémoire, les objets et médiums dont l’obsolescence se voit questionnée (cassettes enregistrables, fanzines et posters) restent, on le voit, des supports efficaces et accessibles de la création. De notre appréhension de la création contemporaine à la revisite de la mémoire, leurs pratiques distendent de concert la continuité linéaire et détournent les figures attendues.
Incontournable, la nostalgie d’une saturation de l’espace par le signe, propre autant aux publications activistes et intellectuelles des années 1960-1970 qu’à l’essor du bien de consommation devenu support de sa propre marque, est à son tour mise en crise pour laisser place à une remise en question. D’abord de sa charge symbolique par le remplacement de toutes les marques par un mot avoisinant renvoyant à l’homosexualité alors elle-même érigée en étendard, en marque sur le contenant comme prometteur du contenu. Puis de sa valeur fonctionnelle avec ces ouvrages aux pages noircies de textes et de surtextes, affiches dont les polices deviennent vecteurs de sens. On navigue ainsi dans une forêt d’objets et d’éditions dont la présentation, très complice et intelligemment envisagée par le commissariat de l’exposition, démultiplie les idées pour stimuler autant la conscience d’un art de la reprise que la découverte d’un monde dynamique où la multitude d’idées fait toujours rebondir plus loin la pensée.
Dans la bonne humeur et le plaisir de la transgression, les deux artistes confrontent les traditions comme les objets à la possibilité de leur détournement, de leur plongée jusqu’à la crudité du mauvais goût, figurant pour un moment la nécessité aussi de se déprendre des conventions et percevoir, par le regard, ce rappel que la possession n’est jamais univoque.