Sabine Mirlesse — Galerie Thierry Bigaignon
Dans un jeu d’allers-retours entre la matière et l’image, entre la photographie, l’imaginaire et le réel, Sabine Mirlesse oppose à la pesanteur du marbre la légèreté éthérée de l’envol dans sa série Pietra di Luce, promesse paradoxale de Dante au poète qui gravit un à un les paliers des abysses.
Empruntant au souffle de La Divine Comédie, la photographe retourne sur les terres natales du poète et, dans les carrières de marbre, capture les anfractuosités de la matière, les lignes brisées d’un continuum qui participe d’une temporalité millénaire. Dans cette série, la technique, la charge symbolique du projet et la tension esthétique d’une forme travaillée, isolée par son objectif contribuent à un lyrisme de la gravité qui s’épargne la pesanteur symbolique pour se laisser toute liberté d’exprimer la perception esthétique comme la profondeur métaphysique.
La concrétion naturelle minérale devient ici prétexte à jeux explicites de lumière, prétexte à l’agencement de codes pour une invitation à saisir, dans le spectre du noir et blanc, les variations inattendues d’un matériau qui se donne au sens avec autant d’ambiguïté ; sous le poids monumental de son extension, face à la densité immense de sa matière, c’est la légèreté d’une mousse, la volatilité d’un liquide condensé que sa vue nous dévoile, semblant installer le bonheur du spectacle, du jeu et de l’illusion dans un sol qui renouvelle notre compréhension de la « fertilité ». La pierre se fait ici expressive, réceptacle à la diversité des expressions d’une lumière qui leur insuffle la vie, qui s’abat sur elle et les anime comme la fortune meut le poète au gré de passions qui l’aimantent autant qu’elles sont aimées de lui.
Alors, de même que le centre de l’univers, la terre dans la Divine Comédie de Dante, devient ce point d’ancrage d’une multitude de mondes et de modalités de l’existence, la pierre devient chez Mirlesse la structure qui accueille les points d’équilibre ambigus de notre monde et celle qui les révèle en se faisant miroir de l’élément nécessaire à toute appréhension, la lumière.