Laurent Bochet, Doubles vues — Galerie Florence Leoni
Accompagnée d’un livre, l’exposition Doubles vues, à la galerie Florence Leoni recèle elle-même un intérêt double. Les photographies de Laurent Bochet posent en effet leur regard sur le travail de Xavier Veilhan pendant le montage de son exposition Architectones, au MAMO à Marseille. Le parcours tisse ainsi des entrelacs entre le médium photographique et l’architecture pour une plongée passionnante à double focale.
« Laurent Bochet — Doubles vues. Un livre. Une exposition », Galerie Florence Leoni du 15 novembre au 20 décembre 2013. En savoir plus Double focale ? Peut-être devrions nous dire triple. Voire infinie. Tant le parcours ouvre des pistes de réflexion et décuple les perspectives. Il ne s’agit pas seulement, en effet, d’un photographe sur les pas d’un artiste, mais bien de son regard greffé lui-même à une rencontre. Celle de Xavier Veilhan avec Le Corbusier à l’occasion de l’exposition Architectones qui inaugurait le MAMO, centre d’art niché sur le toit-terrasse de la Cité Radieuse, édifiée par Le Corbusier entre 1945 et 1952. Rencontre ou plutôt dialogue muet et posthume, sorte de prosopopée matérielle puisque Veilhan fait revivre par ses œuvres l’esprit de Le Corbusier. Il donne matière à son avant-gardisme, lui qui fut aux côtés de Mies Van der Rohe ou Walter Gropius, moderne parmi les modernes et créa l’unité d’habitation dont la cité radieuse encore appelée « maison du fada » est la première expression.Aussi, l’exercice pour Xavier Veilhan a-t-il été de donner corps à une âme et à ses idées de vigie. Buste de Le Corbusier grandeur nature, fils tissés dans les airs, mobile habitant le gymnase du MAMO, Veilhan décline sa lecture et sa version postmoderne d’une architecture qui bouleversa les codes en place grâce à sa théorie des « Cinq points », pilotis, toit-terrasse, plan libre, fenêtre en longueur (fenêtre-bandeau) et façade libre. Sur ce discours plastique imaginé par Veilhan autour du langage architectural du Corbusier, Laurent Bochet a lui-même apposé ses mots, sa vision ainsi que ses images.
Il a choisi le retrait, la discrétion, l’effacement pour laisser parler les autres. Et parler après. Une juste distance pour saisir deux aimants invisibles qui se rapprochent. Les tirages, splendides, nimbés d’un bleu clair cotonneux, ont pour belle toile de fond le ciel de Marseille. Laurent Bochet n’a pas peur de viser le vide de son objectif. Il ne sature pas l’espace, mais le fait vivre. Ainsi en est-il du toit-terrasse que vient peupler le buste, immense, de Le Corbusier, tellement seul qu’il semble petit et solitaire. Dans une autre image, cette sculpture figurative est emballée et suspendue dans les airs, son poids semble s’être envolé. Le Corbusier vole dans le ciel comme plane son ombre et son souvenir dans l’esprit du lieu.
L’exposition, aérienne comme les œuvres qu’elle présente, laisse une belle empreinte… Bochet, Veilhan et Le Corbusier, un trio à l’image de l’architecture moderniste, laborieuse mais légère, rigoureuse mais travaillée à l’épure.