Melanie Manchot — Mac Val, Vitry-sur-Seine
Jusqu’au 24 février 2019 — ou plus exactement jusqu’au 17, si vous souhaitez voir l’exposition dans sa totalité, avant le tournage in situ de la nouvelle œuvre de Melanie Manchot, Casting — le MAC VAL accueille une grande rétrospective de l’artiste Melanie Manchot. Du haut de la balustrade de la salle d’exposition, un panorama de vingt ans de création.
Aux rênes, Frank Lamy (assisté de Julien Blanpied) a coordonné avec l’artiste un ensemble d’œuvres réalisé entre 1998 et 2018. Photographies, vidéos et installations sont orchestrées comme autant d’îlots entre lesquels le visiteur est invité à déambuler avec une totale fluidité. L’axe thématique choisi, celui du « portrait et du portrait performatif », dessine les grandes lignes et problématiques de la carrière de l’artiste, notamment celles — extrêmement prégnantes — d’interactions sociales et d’identités.
« Melanie Manchot — Open Ended Now », MAC VAL Musée d'art contemporain du Val-de-Marne du 20 octobre 2018 au 24 février 2019. En savoir plus Entre documentaire et mise en scène, la lisière est poreuse. Jamais complètement fictionnelle, Melanie Manchot laisse tourner la caméra devant des scènes théâtrales. La vidéo Tracer (2013) suit différentes étapes d’un itinéraire dans une ville désertée. Proche du mouvement giratoire et distant d’une caméra de surveillance, l’image capte des parkouristes1 dans leur déambulation, véritable démonstration sportive et collective d’appropriation de l’espace l’urbain. Cette vidéo est le slogan de la reconquête de l’homme sur son territoire et dévoile également la grande adaptation des corps face à leur environnement. Cette fin ouverte dont nous parle le nom de l’exposition — Open Ended Now —, c’est celle de l’être humain ; celle d’un corps mouvant, en perpétuelle mutation et dont l’identité est flexible : « Nous ne sommes pas des êtres immuables. Nous modulons notre propre identité ».Les problématiques de mutations du corps — qu’elles soient physiques ou identitaires — accompagnent l’artiste depuis ses débuts. Dans l’œuvre 11/18 (2015), elle met en scène sa fille, avec une belle simplicité et sincérité, derrière une caméra 8mm. Pendant 7 ans — temps de renouvellement complet des cellules du corps humain — elle filme l’enfant devenir adulte, une minute au début de chaque mois. Le résultat est présenté comme un ensemble fragmenté de neuf moniteurs, autant ou presque d’instantanés qui confrontent la métamorphose au temps. Et finalement, l’artiste nous parle bien plus de notre mutation identitaire — celle que nous redéfinissons « à travers nos interactions sociales et à travers notre besoin de nous situer par rapport à la société et par rapport aux autres. » — que d’altération physique. Si l’artiste sait provoquer la réunion de foule dans l’espace public (Dance Walk (Square) entre autres), elle sait également observer cette frontière malléable entre espace public et action privée. Dans Dreamcollector (2008) elle filme des personnes endormies dans un parc et leur demande au réveil de raconter le rêve qu’ils ont fait.
À l’image de sa scénographie adroitement décousue et si instinctive, l’exposition Open Ended Now est ouverte et perméable. Inspirée du philosophe russe Mikhaïl Bakhtine, cette formule referme la promesse d’un éveil et d’une souplesse ; celle d’une « ouverture de notre façon d’être », confie l’artiste.
1 Parkour (PK) : discipline sportive qui consiste à franchir successivement divers obstacles urbains ou naturels, par des mouvements agiles et rapides et sans l’aide de matériel.