Sophie Calle, Dérobés — Galerie Perrotin
Absence, disparition, on l’a beaucoup dit, sont autant de thèmes chers à Sophie Calle. Avec le parcours Dérobés, l’artiste en explore à nouveau les veines et convie le regardeur à observer la brutalité qu’induit le vol d’un tableau.
« Sophie Calle — Dérobés », Galerie Emmanuel Perrotin du 13 novembre 2013 au 11 janvier 2014. En savoir plus Trois salles, trois séries. Parcours resserré donc. Pourtant, c’est dans la durée que celui-ci s’inscrit. Car comme souvent, Sophie Calle, convie à la lecture. Une lecture comme temps d’arrêt et invitation à la réflexion. Ici, elle a demandé aux conservateurs, gardiens des musées, visiteurs occasionnels de mettre en récit leur réaction face à la disparition d’un tableau. Pour certains d’entre eux, le cadre, comme vestige d’une présence ancienne, est resté accroché aux cimaises. C’est le cas des toiles de Vermeer, Flinck ou encore Rembrandt qui font entre autres l’objet de sa série Que voyez-vous ?, réalisée en 2013. Que reste-t-il lorsque l’œuvre ne parle plus d’elle-même ? La parole seule, parvient-elle à ressusciter les coups de pinceaux et la composition naguère donnés à la vue du regardeur ? Assurément, non. L’émotion a disparu, envolée. Volée, elle aussi, arrachée du mur comme aux yeux des hommes.Tout l’enjeu de cette série est ainsi de rendre compte de la violence inouïe qu’implique l’acte de dérober un objet d’art. Car à la propriété bafouée, s’ajoute la béance, immense, d’un moment dans l’histoire de l’art. Tragique est encore plus l’histoire de The Major Davel, brûlé dans la nuit du 24 au 25 août 1980, au musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne et dont la partie restante, triste hasard, laisse apparaître un soldat, seul, qui pleure. Larmes et désolation que le silence accompagne comme un dernier écho.
Alors, Sophie Calle, avec l’engagement qu’on lui connaît, le combat pour les idées, décide de remplacer peu à peu les œuvres disparues par des mots, simples et descriptifs qui comblent le vide, dessinent une autre présence. Et dans le cadre, progressivement, les contours d’une œuvre nouvelle prennent forme. Le récit et la lecture, étouffent alors le gouffre d’une image morte et contiennent en eux les traces d’un passé ressuscité.
Publications : Les œuvres de l’exposition figurent dans le livre Fantômes aux éditions Actes Sud qui rééditent également Souvenirs de Berlin-Est ainsi qu’une version augmentée de Des Histoires vraies.)