
Liselor Perez — Eglise Saint-Eustache
Présentée du 3 octobre au 30 novembre 2025 au sein de l’église Saint-Eustache, Liselor Perez, lauréate du Prix Rubis Mécénat 2025, déploie une série de présences fragmentées qui semblent surgir de la pierre elle-même et s’en émanciper.
Combinaisons de matières et de formes, ses gisants épuisent leurs corps alanguis et composent en silence de nouveaux motifs au cœur de l’architecture monumentale du lieu ; arrimées au sol, elles entraînent à leur tour notre œil à réduire sa focale pour localiser les innombrables textures et dessins qui peuplent ces murs.
Dans la lignée d’une sculpture habitée par l’affect, la réussite de son travail passe d’une certaine manière par la tension qu’il porte, intimement lié au dessin qui le précède et à la somme d’équilibres en jeu pour parvenir à sa matérialisation. L’intime transparaît alors jusque dans les articulations de ses êtres.
Autour d’une sculpture impressionnante de calme et de gravité, pensée par l’artiste comme une incarnation de l’église et constituée de nombre de ses éléments architecturaux, ses pantins à échelle humaine laissent transparaître leur propre fragilité, un contraste souligné par la polysémie du lieu même qu’elle investit, lieu de projection et riche d’une infinité de motifs.
Empruntant à l’imaginaire contemporain et ancrée dans une pratique autonome, un geste composé par la seule nécessité de sa tenue finale, l’art de Liselor Perez puise dans l’intimité du champ domestique le contexte d’une mise en exposition et d’une spatialisation de l’image, une extériorisation du motif. De ce passage naissent des transformations si radicales qu’elles confinent aussi bien à la rêverie, à l’ambiguïté d’une reconstitution scénique impossible qu’à l’ironie, à l’absurde d’une humanité parée des matériaux qui la séparent, au cœur du foyer, de l’extérieur. Le pantin décharné, immobile mais toujours capable de bouger, devient l’envers d’un masque que l’on ignore porter, celui de notre domesticité.
Se révélant au détour d’une chute de tissu, en contrepoint de l’angle d’observation, des aberrations perturbent l’équilibre des corps et font dévier la gravité, physique et symbolique, vers un champ plus ouvert au glissement du sens, à la plasticité des genres. Sans un mot donc, sans un visage défini, c’est l’identité elle-même, la leur comme la nôtre, qui se trouve mise en question.
Supports à l’imaginaire et réceptacles ouverts aux histoires que le visiteur voudra y infuser, les créatures de l’artiste composent une pantomime immobile dont il nous appartient d’éprouver la fragilité et d’articuler, sans prétendre la dominer, la narration.