Elodie Seguin — Galerie Jocelyn Wolff
Dans l’espace reconfiguré de la galerie Jocelyn Wolff, Elodie Seguin présente jusqu’au 22 avril une exposition sensible où le geste artistique, ténu, s’affirme par touches subtiles qui tiennent autant de la retenue pudique que de l’affirmation radicale d’une présence à inventer.
« Elodie Seguin — Peinture Sculpture Peinture », Galerie Jocelyn Wolff du 11 mars au 22 avril 2017. En savoir plus Entre ambition esthétique et éloge de l’effacement, l’œuvre d’Elodie Seguin a toujours avancé sur le fil, apparaissant et disparaissant au gré de propositions fortes. Avec des modules géométriques (planches rectangulaires, carrées) et autres formes élémentaires (arcs, cônes, etc.) elle orchestre un concert de formes et de couleurs qui perturbent l’espace et en font un terrain d’expérimentation constant où le minimalisme de ses interventions procède d’une belle méticulosité. Trouver le point de jonction ténu qui fait de l’objet une œuvre exposée, imposant dans l’espace une présence qui se confond avec son « là ». Dans cette quête ontologique en acte de la représentation, Elodie Seguin s’emploie également à une recherche profonde sur les matériaux. Une réalité qui se retrouve dans sa conception même de l’atelier, elle qui le considère comme un « laboratoire » et voit l’organisation de chacune de ses expositions cristalliser ses recherches et réflexions. En ce sens, derrière l’abstraction se dessine une narration spatiale (répartition des couleurs et des formes qui rythment l’accrochage) et temporelle (fixation d’un point précis dans le temps de la création). Pour Gestes et mesures à l’horizon des surfaces (présentée en 2012 à la galerie Wolff), l’artiste apposait sur ses planches une simple feuille de papier qui en dessinait une peau troublante altérant avec grâce et émotion la matérialité pour en imposer encore mieux la présence.Avec cette nouvelle exposition, Peinture Sculpture Peinture, Elodie Seguin poursuit avec une réussite certaine ses recherches autour du volume et de l’espace en intégrant dans son œuvre des variations, éléments inattendus qui lui font dépasser la seule abstraction. Dans son titre même, trois mots se superposent, la répétition de la peinture enserrant la sculpture. Questionnant leur nature et leurs liens, le parcours multiplie avec bonheur leurs rencontres et interactions ; la peinture modifie les formes géométriques, elle se charge ailleurs de les faire vivre. Elle crée également des illusions d’optique qui viennent piéger le regardeur, sous-tendant une identité subtile du volume et du vide. Jouant de la profondeur et des variations à même la toile, elle élargit son occupation de l’espace à la création d’espaces occupants, à l’image de ses imposante Installation, une série de panneaux de bois d’envergure peints comme une rangée de totems fixés au mur, laissant planer l’ambigüité de leur volume. Un doute qui procède de ce choix précis d’un accrochage qui empêche au visiteur le recul nécessaire pour appréhender cette véritable « installation » qui s’impose sans se plier aux exigences extérieures. Superpositions, transparences, les effets se répondent mais ici certaines formes se dévoilent et se révèlent en figurant un autre qu’elles. Ses Résistances renvoient ainsi aux pièces élémentaires de circuits électriques qu’elles répètent, dans leur titre comme dans leur apparence, superposant ainsi les couches de réalité à leur représentation. De même, une torche, constituée d’éléments géométriques simples cherche à éclairer, de biais, un espace que l’artiste a su laisser vide. Sans craindre de mordre les frontières de la figuration, l’artiste joue de ses limites et éveille les rêves enfantins avec ce symbole des premières « aventures » que l’on se raconte. Un jeu risqué qui pourrait menacer la sérénité neutre, presque méditative, de certaines de ses précédentes œuvres mais qui prouve ici son audace et sa pertinence tant le dialogue engagé avec la problématique d’une peinture « volume » s’avère fécond et fait écho à une forme narrative de l’espace, de son appropriation, de son occupation et de sa respiration.
Se dégage ainsi de cette belle présentation une délicate simplicité, tout l’art d’Elodie Seguin se matérialisant dans la retenue, dans les deux sens de pondération et de capacité à faire « disparaître » pour mieux laisser apparaître des rapports inconnus, agencements de couleurs et combinaisons de formes. Avec l’élégance du sage, Elodie Seguin compose donc des décors à contre-courant du spectaculaire, laissant la représentation se faire par des biais inattendus. Ses lignes, déployées à l’affect, accompagnent l’espace, le reconfigurent en lui offrant des profondeurs, des embûches qui en modifient fondamentalement l’organisation et, tout en les mettant à l’épreuve, en disent un peu plus sur la peinture et la sculpture.