Le Plateau — Frac Île-de-France en danger
De nombreux acteurs du monde de l’art se mobilisent pour dénoncer la menace qui pèse sur le Frac Île-de-France et son lieu d’exposition Le Plateau.
Le Plateau est une exception, il est l’un des seuls Frac à recevoir une subvention de la ville qu’il anime quand la plupart des autres ne reçoivent qu’une subvention régionale et nationale. C’est cette aide nécessaire à son fonctionnement qui risque aujourd’hui de lui être retirée.
De fait, il a su se tenir à la hauteur de cette exigence exceptionnelle et le priver de cette participation d’une ville qu’il contribue à faire rayonner jusque sur les hauteurs des Buttes-Chaumont mérite d’être défendue, à la suite de l’ensemble des acteurs du monde de l’art dans cette lettre ouverte à la Mairie de Paris que nous reproduisons plus bas.
Véritable institution à Paris, le Plateau a prouvé en une dizaine d’années son rôle majeur dans la vie culturelle parisienne et dans le monde de l’art, portant des artistes qu’il a exposés pour la première fois jusqu’aux musées les plus prestigieux du monde entier. Sans jamais perdre de vue ses missions locales, son implantation dans un quartier populaire et multipliant les initiatives d’ouverture à un jeune public, le Plateau a su rayonner dans un secteur de Paris en pleine reconstruction, investissant lui-même un bâtiment nouvellement érigé et participant à une volonté associative de garantir une place à la culture.
Le Plateau est donc une exception géographique ; outre la faiblesse de la scène culturelle « officielle » du quartier d’alors, le Plateau a participé, à travers ses nombreux événements et au quotidien à offrir un lieu de découvertes et de propositions qui essaime depuis jusqu’au bas Belleville avec le développement positif de galeries d’art exigeantes et de qualité qui trouvent en lui un allié nécessaire à leur développement. Précurseur d’un Paris en pleine évolution qui tente de diversifier ses approches tout autant qu’il maintient une exigence intellectuelle et sensible, le Plateau navigue entre les mondes et garantit un « spectacle » hors-normes à tous ceux qui franchissent son seuil, gratuitement et toujours accompagnés par des médiateurs formés et dévoués.
Exceptionnelle d’audace, de sensibilité et de singularité, la programmation actuelle ne cesse de surprendre en organisant avec les artistes des expositions vivantes et vivaces qui parviennent toujours à porter un regard sur le monde tout en maintenant ce lien viscéral avec l’espace public, cette rue qu’il partage à travers la fameuse vitrine qui le borde. Comme tous les grands lieux d’exposition, ses choix ont pu nourrir les débats, éveiller la curiosité et, chez les spécialistes, susciter des controverses mais jamais son sérieux, son implication, son invention et l’attention portée aux artistes comme à la création n’ont pu être remis en cause.
Paris a besoin du Plateau. Derrière un monde de l’art qui brille par ses investissements privés, derrière une litanie de marques luxueuses qui sont autant de passerelles vers un marché certes légitime mais loin de rendre compte de la réalité de la création, le Plateau tient, à son échelle, un rôle essentiel bâti à force de connaissance et de passion. Le Plateau est un bien public matériel avec sa collection mais aussi sentimental avec son regard et sa capacité à transmettre au-delà de tout intérêt mercantile. Le Plateau est un besoin public et une chance dont on pourrait continuer de citer les bienfaits et les qualités, de son bilan comme de ses équipes.
Plus largement donc, la culture a besoin du Plateau, de cette exception qui, si l’on souhaiterait évidemment qu’elle devienne norme, mérite à tout le moins de se battre pour qu’elle continue de l’inspirer.
Nous recopions ci-dessous la lettre ouverte à Anne Hidalgo, Maire de Paris :
Que vive le Plateau, lieu du Frac Île-de-France à Paris !
Nous apprenons que la Ville de Paris envisage de supprimer à partir de 2018 l’aide qu’elle accorde au Fonds régional d’art contemporain Île-de-France. Artistes, commissaires d’expositions, personnalités du monde de l’art et de la culture, nous souhaitons vous faire part de notre totale incompréhension. Avec Le Plateau, le Frac Île-de-France est implanté à Paris depuis 2002 et s’est affirmé comme l’une des institutions majeures de la création contemporaine en France. Multipliant ses activités dans toute la région, il a su à travers Le Plateau changer le paysage de l’art contemporain à Paris même, grâce au soutien de la Ville de Paris, de l’État et de la Région Île-de-France. Supprimer votre soutien au Plateau, n’est-ce pas prendre le risque de le voir disparaître ?
Ce lieu, fruit d’un combat citoyen exceptionnel mené par une association d’habitants du XIXe arrondissement de Paris, a révélé nombre d’artistes et de jeunes commissaires d’exposition qui purent y mener leurs premiers projets d’envergure. Bien souvent, le travail effectué leur a ouvert la voie d’une reconnaissance internationale.
L’action menée au Plateau par le Frac Île-de-France pour faire connaître ces artistes et autres acteurs de la création, notamment au public parisien — initié, amateur, mais aussi éloigné de toute offre culturelle — est en outre exemplaire. En multipliant les partenariats avec d’autres acteurs du champ de la culture, de l’Éducation nationale et du champ social, présents en particulier dans l’Est parisien pour s’affirmer comme la tête de pont du réseau artistique du Grand Belleville, il fait aujourd’hui état d’un remarquable ancrage local. Sa politique de médiation, marquée par la gratuité de l’accès aux expositions et événements, est tenue pour un modèle du genre.
Voilà pourquoi nous ne pouvons ni comprendre ni accepter l’annonce qui vient d’être faite et nous vous invitons, Madame la Maire, à réexaminer votre position, notamment en concertation avec les deux autres grands contributeurs que sont l’État et la Région Ile-de-France, afin que le Frac Île-de-France ne soit pas amputé et qu’il puisse, avec Le Plateau, continuer à exercer ses missions pour le plus grand bénéfice des Parisiens.