Tainted Love — Réouverture du Confort Moderne, Poitiers
Le 16 décembre 2017, après presque deux ans de travaux, le Confort Moderne a rouvert en grande pompe pour une soirée déchaînée : la promesse d’un futur foisonnant.
Le lieu pluridisciplinaire dédié aux musiques indépendantes et à l’art contemporain refait surface avec un espace toujours mieux aménagé pour recevoir une programmation curieuse en constant renouvellement. Le Confort Moderne — ancien entrepôt électroménager — a gardé son apparence de friche, un décor immense qui oscille entre le squat et l’atelier d’artiste. Totalisant 8500 m2, le complexe rassemble une salle de concert, un vaste espace d’exposition, un club, un bar, des locaux de répétition, un restaurant, des espaces de résidence, une fanzinothèque (55 000 documents à ce jour) et un disquaire. Une « île permissive et libertaire » qui depuis les années 1980 forge une vision altruiste de l’art : un lieu d’échange et d’expérience perméable où l’artiste est roi.
L’identité visuelle du nouveau Confort Moderne a été confiée au duo d’artistes The Bells Angels. Affranchis de la grille modulaire, ils signent une charte graphique à l’allure parasite qui s’amuse avec la lisibilité de son information. Des figures polymorphes et modulables tout droit sorties d’un film de Carpenter hantent maintenant les supports de communication. À cette occasion, ils livrent également un livre dissonant de 512 pages qui compile en image les 40 ans d’activités du Confort Moderne.
Événement majeur de l’inauguration, l’exposition Tainted Love rassemble une vingtaine d’artistes autour de l’entêtante chanson pop reprise par Soft Cell en 1981. Cette exposition collective — curatée par Yann Chevalier, directeur du lieu — s’inscrit naturellement dans la continuité d’un discours ouvert sur la porosité des médiums et des pratiques artistiques. Le Confort Moderne, qui joua un rôle immense dans l’histoire du rock ou du rap en France, offrait en même temps carte blanche à James Turrell en 1992. À cheval entre ces deux espaces d’expressions — la musique et les arts plastiques — l’exposition Altars of Madness fait également figure de manifeste. En 2013, cette exposition collective rassemblait une quinzaine d’artistes (Matthew Barney, Seldon Hunt, Harmony Korine ou Élodie Lesourd pour ne citer qu’eux) dont l’œuvre est marquée par le metal extrême : une exposition qui évoquait subtilement les multiples passerelles (iconographiques, sonores, etc.) et ramifications entre ces deux milieux finalement très ouverts.
Ainsi Tainted Love débarque dans le nouvel espace du Confort Moderne, fraîchement renommé L’Entrepôt. L’odeur enivrante et bizarrement corporelle de l’installation d’Azzedine Saleck & Apolonia Sokol envahit l’espace ponctué de formes fantomatiques. Les figures d’un culte dont la liturgie n’a pas encore connaissance se tiennent face à nous : une installation empreinte de mysticisme qui évoque ce que le duo français We Are The Painters avait déjà pu présenter en 2015 à la Nikolaj Kunsthal de Copenhague. Une esthétique du corps et du costume qui est relevée également par le dispositif de Nicole Wermers avec The Violet Revs. Les motards-metalheads ont abandonné leur veste en cuir noir sur de vulgaires chaises en plastique pour aller se déchaîner sur la piste de danse… Un règne de patchs, de clous ou de badges ornementent les vestes de ce qu’on devine être un mystérieux gang de bikeuses. Un Tainted Love façon Marilyn Manson, gothique et théâtral. Dans un registre plus pop, derrière un immense mur, les couleurs pastels mais criardes des peintures de Celia Hempton dévoilent explicitement les détails de sexes anonymes.
Au cœur de l’exposition, dans la nuit du 16 décembre, c’est le groupe de musique chamanique et répétitive France qui nous a porté à bout de bras vers une transe qui opère à chaque fois — rendant ainsi honneur à la dimension musicale de cette exposition.
Tainted Love, du 16 décembre 2017 au 04 mars 2018 au Confort Moderne, 185 rue du Faubourg du Pont-Neuf, Poitiers — Du lundi au vendredi de 12h à 18h, le samedi et le dimanche de 15h à 17h30 — Entrée libre.