Louise Bonnet — Gagosian, New York
Les figures de Louise Bonnet puisent dans le délire et la douleur pour former des compositions orgiaques où la matérialité de la chair tient place de corps du sujet. En attendant de la redécouvrir à Paris grâce à la galerie Max Hetzler qui la représente, un florilège de sa superbe exposition actuelle chez Gagosian New York, 30 Ghosts.
Dans cet ensemble de dix tableaux, l’artiste suisse née en 1970 et vivant à Los Angeles emprunte au classique de la littérature de science-fiction 2001, L’Odyssée de l’espace d’Arthur C. Clarke sa maxime initiale : “Derrière chaque homme vivant se tiennent trente fantômes car il en est ainsi de la proportion par laquelle les morts dépassent les vivants”1. Une manière d’envisager la chaîne qui relie ses sujets aux vies qui les ont précédées et, par conséquent d’explorer la multitude de possibilités passées qui participent de sa réalité.
Entre volonté de préservation et promesse d’extinction, Bonnet y explore le paradoxe de nos existences en mêlant références aux natures mortes hollandaises et outils de direction d’acteurs, marques laissées au sol afin de poursuivre le tournage dans la durée. Identité et mutation s’emmêlent alors à travers cette utilisation de signes qui pourraient également être lus comme le reflet de sa manière de rendre la chair, dans l’outrance et l’excès qui disent nos paradoxes, nos angoisses et notre jouissance. Les corps sont membres et les membres sont corps, portant en chaque pli et interstice la pesanteur de l’histoire.
De la même façon, la multitude de symboles employés à dessein traduisent la répétition des injustices de nos conditions, les chairs marquées par un travail séculaire qui, s’il survit dans des mémoires, continue d’exister à travers le monde et, dans un ultime renversement de la science-fiction, pourrait bien définir celui à venir.
Exposition Louise Bonnet, 30 Ghosts chez Gagosian, New York, du 08 novembre au 22 décembre 2023.
1 Behind every man now alive stand thirty ghosts, for that is the ratio by which the dead outnumber the living.