Pilar Albarracin, note de Séville — Vallois@home
En collaboration avec la galerie GP & N Vallois, Slash accueille le projet en ligne Vallois@Home qui ouvre depuis plusieurs semaines une fenêtre sur les artistes qu’elle défend et invite à développer une nouvelle lecture des enjeux de leur création en un temps qui met à l’épreuve les corps et les volontés. Pilar Albarracin offre ici un texte saisissant qui rappelle la passion brûlante d’un artiste pour son œuvre et le monde dans lequel il s’insère.
Note de Séville :
« En ces temps troublés et incertains, l’atelier reste l’endroit parfait où tout semble possible. Tout y entre et tout y est en ordre.
Après des années de travail, j’ai appris à écouter ce que me disent mes idées. J’aime les laisser me raconter la façon dont elles souhaiteraient prendre forme. C’est un exercice qui m’oblige à ne pas avoir de préjugés et à être attentive à de nouvelles options car les exceptions qui ne confirment pas la règle sont souvent les plus propices à formuler ces idées.
L’art, tel que je l’entends, est un espace de résistance, d’expérience continue, un laboratoire d’alchimie subversive d’où surgit et grandit la contre-culture. Non pas par effet de mode mais par pure cohérence car aujourd’hui, qui pourrait mettre en doute que le personnel aussi est politique !
Je « brûle » de questions quant au rôle de l’artiste : Où se termine la pratique artistique ? À l’œuvre ? À la vie de l’artiste ? Quand peut-on considérer qu’une œuvre est terminée ? Lorsqu’elle a pris forme ou lorsque l’artiste n’a plus le contrôle sur elle ?
Nous sommes des témoins involontaires des transformations de ce monde. Que faire dans un tel contexte ? Il y a un demi-siècle, grâce à la convergence de diverses circonstances, quelques-uns d’entre nous ont pu voir ce en quoi nous ne voulions pas nous transformer, et ont résisté ; c’était la Movida en Espagne par exemple… Aujourd’hui, l’art perd de sa force et dans la plupart des cas il est inévitablement dévoré par le système, par ce mirage de la culture dominante qui avance inexorablement et pervertit par la complaisance.
Pour moi, l’art est une arme et une âme.
Les formes ne sont que les enveloppes de nos passions et de nos volontés transformatrices. Il me semble que la nouvelle tâche des artistes est d’aider à récupérer une forme d’illusion, à créer de nouvelles utopies.
Ce sont de nombreuses luttes individuelles qui se complètent l’une l’autre et, comme le disait « l’Ariero », « Il ne s’agit pas d’arriver en premier mais de savoir comment arriver ». Parfois nous trouvons des chemins pour que nos attitudes soient en accord avec nos principes ; pour autant, trouver une façon de vivre en se consacrant à l’art parait beaucoup plus abstrait. Quant à moi, comme la philosophe Maria Zambrano, « Je préfère une liberté dangereuse à une servitude tranquille ».
L’art au service duquel nous avons décidé de nous consacrer doit contribuer à faciliter, transmettre, éduquer, créer de nouvelles significations libératrices et dessiner des horizons esthétiques.
Chaque jour est le jour parfait pour commencer. »
Pilar Albarracin
Pilar Albarracín est née en 1968 à Séville (Espagne), elle vit et travaille à Madrid (Espagne)
Retrouvez ici la page de l’artiste sur le site de la galerie GP & N Vallois
Retrouvez notre article autour de son exposition présentée à la galerie GP & N Vallois