Mapping at Last — Galerie Eric Mouchet
La galerie Eric Mouchet présente jusqu’au 25 mars une variation excitante et riche autour de la question de la cartographie à travers l’intervention d’une douzaine d’artistes qui intègrent la géographie dans le vocabulaire de leur création.
« Mapping At Last », Galerie Eric Mouchet du 4 février au 25 mars 2017. En savoir plus Avec un questionnement pertinent, le commissaire de l’exposition Léo Marin confronte la formule large de l’artiste et de son « rapport au monde » pour en éprouver, en acte, la possibilité. C’est alors la tension entre objectivité d’un exercice de rationalisation du monde, le relevé topographique et son impossibilité essentielle de rendre compte de la singularité subjective du regard qui crée le point de tension autour duquel gravitent ces douze artistes qui font naître tour à tour un nouveau point de départ pour l’appréciation du monde.La carte apparaît ainsi comme un outil de lecture de l’extension spatiale mais aussi comme une limite à travers sa difficulté à rendre compte des dynamiques qui parcourent le monde et des échanges toujours plus nombreux qui s’y nouent. Alors, face à cette multiplication des difficultés, les artistes s’approprient ses codes pour en imaginer des variations, s’appuient sur elles pour en élaborer de nouveaux objets, à la manière des vidéos de Capucine Vever qui se confrontent directement à la « réalité » de la carte. Bérénice Lefebvre, elle, élabore une traduction du mouvement et du déplacement à travers une installation qui dit toute la tension entre rationalité de la représentation et aléatoire du mouvement. Armelle Caron, à travers une très belle série de dessins minimalistes, dresse un atlas des chambres qu’elle a visitées, s’éloignant définitivement des visées scientifiques pour assumer l’approximation, l’incertitude dans la collection raisonnée de souvenirs. Une problématique forte qui fait tout l’intérêt de cette autobiographie spatiale que l’on suit comme une narration qui cache ses secrets autant qu’elle révèle d’insoupçonnables émotions.
Mapping at Last offre ainsi une belle variation autour de ce double charme de la carte, entre la valeur expressément rationnelle, rigoureuse de l’information et le formidable potentiel esthétique de cette transcription visuelle du monde. Usine à rêves et premier témoin de la découverte du réel, la carte est ici explorée dans sa belle compléxité. Si elle est support de projection mentale, la carte géographique n’en est pas moins un espace de réflexion esthétique de premier ordre, fascinant de nombreux artistes autant qu’elle a partagé avec l’histoire de la représentation une évolution parallèle, usant de procédés toujours plus modernes pour suivre son temps et tendre vers toujours plus de clarté. Ce faisant, son charme n’a cessé de se renouveler et, au-delà de sa capacité à nous projeter vers l’extérieur, vers un ailleurs que l’esprit peut tenter de « lire », elle a constitué la source d’émois sentimentaux, inséparables de l’œuvre de Pierre Chevron, qui encadre des fragments de cartes, des cartes fantasmées de Florent Morellet ou des superbes Mille Mississipi de Julien Discrit.
Il faut saluer ici la politique d’exposition de la galerie Eric Mouchet qui ouvre son espace à une véritable proposition curatoriale et offre un support d’envergure, à travers un catalogue riche à disposition sur place, qui présente chacun des participants. Derrière l’opulence et la variété, c’est la valeur symbolique et la puissance d’imaginaire que porte en elle la carte qui transparaît. Au-delà des postures, c’est bien la capacité de chacune de ses œuvres d’expérimenter le monde à travers cet outil singulier qui fait toute la réussite de cette proposition. Promesse d’un monde à venir et symbole de la rationalisation de l’espace, la carte inspire l’art et offre un fonds d’envergure à la pensée qui s’y raccroche et s’en émancipe tour à tour dans cette exposition où les œuvres dialoguent autant qu’elles se confrontent pour dessiner finalement une cartographie sentimentale de notre rapport, autant que celui de l’artiste, au monde.