Clédat & Petitpierre, Les Merveilles — La Villette — Point de vue — Slash Paris

Clédat et Petitpierre — Les Merveilles @ La Villette from November 30 to December 2, 2021. Learn more Inspiré pour ce spectacle de contes et légendes médiévales, l’odyssée sensoriel du duo met à l’honneur l’étrangeté et la bizarrerie en excitant une fantaisie qui s’empare des symboles sans se perdre dans la séduction facile. Comme toute rencontre, leurs personnages vont d’abord aiguiser notre distance à l’autre en faisant naître une incrédulité, une distance que la durée de représentation permettra de dompter. Qu’est-ce alors que ces personnages qui ne sont personne d’autre qu’une fonction et comment notre propension à la familiarité parvient-elle à surmonter ce hiatus ? Des enjeux que la danse, le langage chorégraphique sont à cœur d’envisager pour offrir à tous une lecture ouverte et libre de son propre rapport à l’autre.

Partant de l’analyse de Jacques le Goff exprimant la continuité entre monde matériel et monde imaginaire au Moyen-Age, Clédat et Petitpierre avancent sur les terres de ces légendes dont ils imaginent les mouvements, les avancées et les reculs, dont ils pensent les interactions en « reconstituant » la vraisemblance de leur existence fantastique. Une manière de tenir sur la ligne d’équilibre entre vie et rêve, entre réalité et représentation.

Corps organes maximisés, les personnages de ces Merveilles dépassent le cadre symbolique pour inventer des manières de se mouvoir, d’interagir et de se rencontrer qui déjouent l’évidence ; nos corps charrient avec eux leur lot de capacités qui sont autant d’outils d’appréhension du monde que de fardeaux engageant notre responsabilité à en user. Dans un décor d’une belle et limpide simplicité, les organismes se fondent à la nature à travers des jeux de lumière qui les relient ou, au contraire, les isolent.

Encore une fois, Clédat & Petitpierre convoquent donc des visions oniriques aussi fascinantes que pétries d’une inquiétante étrangeté pour élaborer des tableaux dont la familiarité des formes, altérée, perturbent l’imaginaire pour exciter sa capacité à modifier nos regards.

Pour le duo, qui ne cesse de revisiter les différentes périodes de l’histoire pour observer l’évolution des symboles et les manières de s’approprier les signes pour exprimer leur « actualité », cette création constitue surtout, au final, une manière d’unir, à travers le mouvement des corps, des imaginaires séparés par des siècles de culture qui semblent pourtant parcourus des mêmes frissons.