John M Armleder — Galerie Almine Rech
La galerie Almine Rech présente jusqu’au 28 juillet une très belle exposition de John M Armleder, qui offre une nouvelle variation de sa vision de l’art tout en laissant émerger une force évocatrice de la peinture toujours aussi riche de questionnement, de recul et d’intérêt.
« John M Armleder », Galerie Almine Rech du 6 juin au 28 juillet 2018. En savoir plus John M Armleder explore toujours plus profondément son médium en jouant une fois encore de l’intention de l’artiste (mise en place d’un protocole défini) et de l’accident (rencontre aléatoire des matières, des couleurs). Mêlant ici deux pans de son travail, de sa réflexion première des années 1980 autour de l’intégration de l’art dans le paysage domestique et sa pratique des « Puddle Paintings » dont il présente une nouvelle série. La galerie Almine Rech offre, à travers ces « décorums » qui profitent de la dualité des moulures ornementales de son architecture opposées à la sobriété radicale de sa grande salle, une forme de boucle dans l’œuvre de cet artiste qui parvient ici, avec son détachement conceptuel, à inventer des compositions empreintes d’une force rare.Il y a en effet dans ce mélange de « lâcher prise », de conditionnement précis des modalités d’interaction, de questionnement de l’acte même de peindre, une forme de jeu et de plaisir de la matière qui donne à l’œuvre d’Armleder une joie sous-terraine qui continue de nous tenter, de nous tenir à distance autant qu’il nous attire. Car derrière la malice, les toiles du peintre, ses agencements de couleur, sa tentation « décorative » trahissent un véritable délice de la composition, de l’instauration d’un rythme visuel et esthétique fait de cassures, de silences, de coupures, d’échos et de mouvements. Avec l’instauration d’une technique singulière dans cette dernière exposition se mêle une forme d’abandon accentué et de « retour aux sources » presque mythologique ; la peinture, versée sur une toile basculée ensuite à la verticale se voit rappelée à la terre, « dégouline » et entraîne dans sa chute les différentes couches qui la composent. À la surface de ce « magma » de couleurs, des éléments épars, venus d’un autre monde, flottent, immobiles, comme figés dans l’emportement de ces « Vésuve » de salons.
Encore une fois donc, John Armleder surprend, atomise les plans pour se jouer du regard mais aussi bien pour faire jouer celui du spectateur dans cette valse sensible des idées et apories de l’histoire de l’art qu’il confronte à l’évidence spectaculaire de ses toiles. Plus encore, dans la très belle première salle, le mouvement descendant de la peinture dessine un miroir ébouriffant aux plantes d’intérieur qui les jouxte et semblent, elles, projeter leurs tiges vers le ciel.
Confettis, paillettes et autres décorations offrent à cette apocalypse jouissive sa dimension carnavalesque, insérant par effraction une profondeur mythique au processus conceptuel d’un artiste qui fait graviter autour de ses tableaux des dimensions conceptuelles, figuratives et symboliques qui n’ont d’hétérogènes que le manque d’imagination de ceux qui ne savent pas les faire jouer ensemble.