Lee Bul, Pure Invisible Sun — Galerie Thaddaeus Ropac, Marais
La galerie Thaddaeus Ropac présente une série d’œuvres inédites de l’artiste coréenne Lee Bul, qui avait fasciné le public français en 2007 lors de sa première exposition personnelle à la Fondation Cartier On Every New Shadow. Un retour d’une force délicate qui revisite ses thèmes de prédilections ; étude du genre ainsi qu’utopie architecturale dont le point commun se trouve dans une tension permanente entre organique et mécanique. Un émerveillement à tout point de vue.
« Lee Bul — Pure Invisible Sun », Galerie Thaddaeus Ropac Marais du 7 septembre au 12 octobre 2013. En savoir plus D’abord habitée par la question du genre et de la sexualité, Lee Bul aujourd’hui quinquagénaire a commencé dans les années 80 par des performances en public où elle portait des prothèses (objets artistiques) qui la transformaient physiquement. En assimilant de l’inanimé à son corps, elle explorait déjà la rencontre du mécanique et de l’organique comme elle le fait ici, dans ce nouveau parcours. Au plafond, au milieu de la salle, est suspendu ce que l’on pourrait comparer à un immense lustre agrémenté de pièces métalliques, de pampilles, fines chaînes comme autant de colliers. Misremembered Lines est ainsi une pure rencontre du féminin et du masculin, ou plutôt de leurs symboles, d’un côté les bijoux, de l’autre ce que l’on associe plus volontiers au monde ouvrier. Cet assemblage d’une grâce époustouflante rappelle ses poissons morts enrobés de perles Majestic Splendor, exposés puis retirés du Musée d’art moderne de New York pour cause d’odeur nauséabonde… Chez Lee Bul, il y a toujours cette dimension d’un glamour écorché, interdit. Un mélange de rondeur et d’arêtes, de piques, d’aspérités sur lesquels on pourrait se blesser.Dans la même veine, sur les murs de la galerie, gisent des sculptures aux allures de rails déformés, accidentés dans lesquels on lit le besoin de dénoncer l’illusoire progrès et la façon dont l’homme s’y perd, s’y abîme. Passionnée par le vivant, Bul l’est tout autant par l’architecture. Sa première source, elle la puise chez Bruno Taut, dont les écrits théoriques l’ont toujours accompagnée. S’il est connu pour ses architectures alpines, on lui doit surtout le pavillon de verre pour l’exposition du Deutscher Werkbund à Cologne en 1914. Le verre, sous formes de tesselles, y fait écho dans l’œuvre en acier ici présente Untitled sculpture M3, incarnation d’une modernité sinueuse, torsadée et complexe (dans son acception négative). Sont sous-tendues dans cette pièce tout autant que dans son œuvre, toutes les synergies post-modernes qui apportent à l’homme à la fois son confort et son désarroi.
Aussi, Lee Bul, qui a sans cesse pensé sa création comme une utopie, une réinvention permanente de l’habitat (qu’il s’agisse du corps ou de l’architecture), semble aujourd’hui face à une dystopie. A force d’imagination, l’utopie vire au cauchemar. Elle en livre une vision splendide, aussi lumineuse que sombre où perce son (res)sentiment.