Sergio Larrain, La Ruche. Paris, 1959
© Sergio Larrain / Magnum Photos
Sergio Larrain — Fondation Cartier-Bresson
3 - Bravo
Critique
Critique
Le 30 septembre 2013 — Par Léa Chauvel-Lévy
« Sergio Larrain — Vagabondages », Fondation Henri Cartier-Bresson du 11 septembre au 22 décembre 2013.
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La Fondation Henri Cartier-Bresson expose les clichés du photographe chilien Sergio Larrain avec toute la grâce que son œuvre méritait. De cet homme sauvage dont on ne connaît qu’une période succincte (1950-1960) et qui se retira très vite du milieu de la photographie, on ne sait presque rien, sauf, peut-être qu’il fascina tous ceux qui le croisèrent. Sans doute par son besoin de rencontrer le réel comme un enfant qui découvre le monde. Cela, la commissaire Agnès Sire en rend extraordinairement compte en signant un parcours indispensable autant qu’émouvant.
500, c’est le nombre de lettres que Sergio Larrain échangea avec Agnès Sire, commissaire et par ailleurs directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson. Sans jamais se rencontrer, ils se sont écrits pendant trois décennies. En témoignent les deux livres Valparaiso (1991), et Londres (2008) d’une force indescriptible. Disparu l’année dernière à 81 ans, Sergio Larrain aurait-il accepté être exposé ainsi, mis en valeur de cette façon ? Lui qui fut discret choisissant de finir sa vie loin de tout dans un Chili reculé où il partageait son temps entre yoga et méditation. Toute sa vie durant, il chercha du reste la grâce, le souffle. Ses images respirent cette vitalité première, cette envie de faire simple et de cultiver un émerveillement spontané au monde. Ses séries traduisent cette quête du gourou ou du chamane auquel il fut souvent comparé.
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Sergio Larrain, Rue principale de Corleone. Sicile, 1959
© Sergio Larrain / Magnum Photos
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Sergio Larrain, Rue principale de Corleone. Sicile, 1959
© Sergio Larrain / Magnum Photos
Au fil des images, on découvre son dilemme entre l’envie de couvrir le monde d’un regard journalistique tel qu’il le fit à partir des années 50 lorsque, repéré par Henri Cartier-Bresson, il intégra l’agence Magnum. Mais aussi son désir d’épingler la poésie, sans objet, pour sa seule beauté. Vite, les gens qui le côtoyaient comprirent qu’il était plus habité par la méditation que par l’adrénaline de la photographie de presse qu’il déserta après un dernier reportage pour Paris Match. L’information ou la beauté, il fallu choisir, comprend-on dans ce passionnant parcours que consignent les trois étages de la Fondation. De sa série sur les enfants abandonnés de Santiago à Valparaiso, en passant par L’Italie et l’Amérique latine.
On pense à la photographie humaniste, forcément au détour des regards perdus dans le vague de ces enfants siciliens rue de Corleone (1959), ou lorsque des ânes faméliques forment un arrière-plan à la sourde mélancolie. De mélancolie, il est souvent question, mais non de misérabilisme, telle est la force du regard humaniste qui montre sans plaindre.