Mémoires du futur — La collection Olbricht — Le prestige des constellations
Défiant les conceptions linéaires et progressistes de l’histoire de l’art, cette mise en réseaux d’objets semble être le paradigme curatorial le plus en vogue aujourd’hui (Chasing Napoleon (2010) et Fresh Hell (2011), au Palais de Tokyo, ou Erre (2011) au Centre Pompidou Metz). Le modèle n’est plus celui de l’arbre généalogique mais du rhizome et des résurgences, bouleversant la chronologie au profit du télescopage d’œuvres contemporaines et anciennes.
Ainsi, les vanités se font écho les unes aux autres, depuis les peintures nordiques des XVIe et XVIIe siècles et leurs incontournables symboles du passage du temps (crânes, serpents, sabliers, etc.) jusqu’aux photos de Nicolas Nixon montrant The Brown Sisters vieillirent, en passant par d’invariables têtes de mort et bouquets floraux (Giampolo Bertozzi et Stephano dal Monte, Vase avec bouquet de fleurs). L’œuvre la plus singulière à ce sujet est sans doute la plus abstraite, So Linear d’Alaister Mackie, composée d’œufs enserrés dans une grille menaçant de les écraser. À ce stade, aussi plaisante que soit cette scénographie de correspondances, elle semble se réduire à une déclinaison sans queue ni tête d’allégories éculées, l’appréhension de la mort y apparaissant identique à elle-même d’une époque à l’autre. L’intelligence de ce thème et de ses variations se joue du côté de l’eschatologie, à travers un cortège de Résurrections et de vides insondables esquissant la défection
Le tout est ponctué de scènes d’horreur et de bizarreries morbides, compilation un peu vaine mais toutefois réjouissante de cadavres, de formes organiques et de monstres (frères Chapman, Sex I, Berlinde de Bruycker Glass Dome I, Thomas Lerooy, The Kiss, Patricia Piccinini, Portée). Ainsi, entre répulsion et attraction, la toile dessinée par Mémoires du futur irradie une lumière crépusculaire.
Sarah Ihler-Meyer
1 Roland Barthes, La Chambre claire, Seuil, Paris, 1980.