Thomas Mailaender — Galerie Bertrand Grimont
Invité par la galerie Bertrand Grimont qui le représente depuis ses débuts, Thomas Mailaender réactualise une pratique artistique où se rencontrent absurde et érudition. Ou le talent de faire un pied de nez à l’art tout en s’y inscrivant.
« Thomas Mailaender — Essayer. Rater. Essayer encore. Rater encore. Rater mieux. », Galerie Bertrand Grimont du 28 novembre au 30 décembre 2013. En savoir plus Thomas Mailander avait beaucoup fait parler de son travail Chicken Museum aux Rencontres d’Arles en 2011. Au sein d’un poulailler, l’artiste avait disposé des poules empaillées attachées à regarder fixement des images glanées sur le net. Comprendre, les poules, ce sont nous. Nous, tout comme lui, car Mailaender ne se sent pas à part. Du reste, il passe nombre d’heures à collectionner des images récupérées sur la toile où imagerie populaire et esthétique du laid forment un album de notre époque dans sa version numérique, « im-monde », dans le sens d’un monde « à côté », virtuel. Kitsch, ringards, volontiers ridicules, les sujets de Thomas Mailaender renvoient au trivial, au quotidien, au commun du net, nouveau commun des mortels.Ici, les images récupérées sur internet intégrées à des jarres ébréchées renvoient directement aux objets que l’on pourrait voir dans les départements archéologiques des musées. La céramique semble avoir fait fondre le vulgaire, le quelconque. La réussite de l’artiste tient précisément dans ce dépassement du présent par le passé. En s’appropriant une photographie d’un requin trouvé sur internet et en la transférant sur une jarre associée au savoir faire, Mailaender opère un croisement des époques, une juxtaposition féconde. Où l’art et l’artisanat se frôlent, tout comme le rôle de l’artiste et de l’homo faber.
Mailaender joue avec l’histoire de l’art et rebat sans cesse les cartes. Ainsi en est-il de sa série de cyanotypes qui ressuscite la technique de la photographie primitive tout en montrant des archétypes de la société contemporaine notamment par le biais du porno soft. Sur le sol de la galerie, on marche sur du carton de déménagement moucheté de points noirs. Vestige d’un dalmatien passé par là et écrasé ? Une table posée au milieu de la deuxième salle présente des flaques suspectes qui servent à fixer différents bibelots qui nagent dans du sperme ou du sang.
Comment Mailaender en se représentant en train de cuire une pizza ou des œufs sur un volcan peut-il rester crédible ? Comment peut-il, par ailleurs, montrer autant de facilité à faire émerger du trivial une forme d’élégance, voire de sublime ? Lui qui grave à même la céramique de toilettes ou expose un mobile de smileys façon Calder-dérisoire… Sans doute en fracassant sur le temple sacré de l’histoire de l’art, sa vision du monde toute personnelle, où le drôle a son mot à dire même s’il est vilain comme tout.