Gabriel Leger, Vertigo — Galerie Sator
Avec l’exposition Vertigo, Gabriel Leger poursuit la déclinaison d’une histoire poreuse et ritualise les connexions entre les temps pour faire éternité.
Gabriel Leger — Vertigo @ Sator Gallery from March 9 to April 28, 2018. Learn more Une exposition vertigineuse donc —, pour ceux qui prendront le temps de s’attarder sur les délicates œuvres inédites proposées à la galerie Sator dans cette exposition qui se nomme si justement Vertigo. Une spirale calme de neuf ensembles hybrides composés d’interventions subtiles et d’objets anciens, dont certains sont précieusement enfermés dans des cadres de verre qui semblent ne plus abriter aucun air. Scellées par le vide et emmitouflées par une aura de conservation digne des musées les plus anciens, les œuvres de Gabriel Leger s’offrent à nous avec une certaine fragilité.À cheval entre l’iconodule et l’iconoclaste, l’artiste préserve, fige et porte dans le temps des objets (minéraux, photographies et objets anciens) qui semblent rares et précieux. Le premier volet d’un projet encyclopédique au long-cours, Nul n’est une île, dévoile la promesse d’une entreprise sage et utopiste : celle de conserver à jamais la connaissance. Mais de quels savoirs s’agit-il ? Ici, L’Ecclésiaste inaugure le projet. L’ensemble du chapitre de la Bible est gravé sur 37 ardoises d’écoliers en fraisage numérique. Le statut pédagogique, humaniste et universel de l’ardoise instaure une réflexion sur l’apprentissage et témoigne d’une préoccupation très actuelle sur la préservation ; une problématique centrale de l’œuvre de Gabriel Leger. À la manière d’un scientifique érudit, l’artiste développe une réflexion subtile et toujours ingénieuse sur la conservation qu’il replace dans l’histoire de façon kaléidoscopique. Curative ou préventive, son intervention sur les objets qu’il nous offre à voir est intimement liée à l’histoire et aux techniques.
Narrateur donc, mais également technicien et artiste démiurge, Gabriel Leger dompte les instruments scientifiques pour faire œuvre. Au cœur de l’exposition, un objet — qui semble avoir été extrait à l’artillerie d’une guerre moderne — nous dévoile les rouages de la création des images de l’ensemble photographique Sunshine recordings : un héliographe. Construit pour l’exposition par l’artiste lui-même, l’héliographe est un instrument météorologique enregistrant l’intensité solaire par « brûlage », notamment grâce à la lentille circulaire qui le compose. Les images de la série Sunshine recordings sont les traces d’une enquête, d’une course contre le temps et le soleil. Des photographies anciennes représentant des paysages ou des bâtiments antiques portent chacune la cicatrice d’une brûlure irréversible. Le sillon qui les marque a justement été obtenu par l’instrument qui se trouve à nos cotés. L’artiste est revenu sur les emplacements mêmes où les images ont été capturées et a laissé le soleil faire, en plaçant chacune d’entre elles sur l’héliographe qui a enregistré la course et l’intensité du soleil à même la surface du papier. À la manière de la carotte de glace — échantillon de couches de neiges successives — les images marquées de Gabriel Leger deviennent les preuves d’une présence et l’épreuve d’une matière, celle de la photographie.
Une façon ambivalente de prélever au monde la mémoire du passé dans la perspective de sa confrontation au présent. Une réflexion abyssale et poétique sur la préservation et la destruction de la connaissance humaine.
Gabriel Leger, Vertigo, exposition du 09 mars au 28 avril, galerie Sator, 8 passage des gravilliers 75003 Paris, du mardi au samedi de 14h à 19h