Laurence Nicola — Ségolène Brossette galerie
Attentive aux matériaux, aux formes que produit la nature, Laurence Nicola collecte, garde précieusement ses récoltes issues de marches en bord de mer. La galerie Ségolène Brossette présente son exposition Fantastique Naturel.
Laurence Nicola vit pleinement des expériences corporelles avec des éléments vivants et écoute le paysage. Artiste chercheuse, elle touche à toutes les techniques, à de nombreux matériaux et observe ses trouvailles. Ses explorations de milieux naturels et son approche des espaces d’exposition l’amènent à concevoir des œuvres in situ. Elle réalise en parallèle sculptures, vidéos, installations et photographies.
Un élément naturel semble prolonger une partie du corps ou bien est-ce le corps qui vient le caresser, l’embrasser ou l’accueillir avec bienveillance ? Dans ses photographies, elle fait corps avec la matière comme si elle la protégeait et cherchait à être en fusion avec les éléments, en perpétuelle mutation. Ses images mettent en lumière une continuité du corps avec les matières, un contact, source d’énergie et de sensations. Ces connexions provoquent un basculement de notre regard vers des mondes étranges, entre rêve et réalité. Des métamorphoses se donnent à voir. Ses images de fragments associés au corps humain captent une vive lumière qui rayonne sur la peau. Les matières naturelles touchent le corps, dans toute sa vulnérabilité, avec une extrême douceur et une certaine force. Passage, instabilité, cycle de transformation, ces instants fugaces s’incarnent dans ses œuvres. « Je regarde la nature marquée par l’humain » affirme Laurence Nicola.
Ses sculptures sous cloche associent envie de toucher et crainte. Les formes hybrides qu’elle crée à partir de fragments, délicatement prélevés, assemblés se rattachent à l’histoire des cabinets de curiosités. À la fois attirantes par leurs matières et leurs couleurs, repoussantes par les éléments piquants qui les constituent, ses sculptures incarnent l’ambiguïté du vivant empreint par l’homme. Ces compositions révèlent de nouvelles espèces, la nécessité de fantasmer des sensations tactiles plutôt que de les assouvir. L’artiste compose des installations fragiles, en équilibre, nous incitant à songer à l’évanescence du vivant et aux tensions émanant des constructions. Pour cette exposition à la galerie Ségolène Brossette, elle crée une installation Mise en abyme à partir de blocs de béton cellulaire où elle mêle des artéfacts humains, des matières naturelles. Chaque bloc constitue une partie de l’ensemble du paysage. Sur des papiers déchirés recouverts de concrétions de sel, des micro-paysages reposent. Une promiscuité entre les éléments de différentes provenances se révèle également à travers cette œuvre. Cette installation semble à la fois tenir et se déliter. À un moment, tout pourrait basculer…
Le travail par stratification se découvre dans une autre installation d’une grande légèreté : au mur, des plaques de mica prédisent un possible monde merveilleux, qu’on aime s’inventer pour s’évader. Notre regard s’élève ou s’abaisse… Nous parcourons l’ensemble intitulé Coucher de soleil progressivement, avec fine attention et retenue.
L’artiste a gardé son âme d’enfant. Elle présente également sa collection de plastiques colorés sous la forme d’un herbier, dans lequel elle classe ses trouvailles tel un nuancier. Sa pratique artistique résonne avec notre envie de garder un souvenir d’expériences physiques en milieu naturel. Qui n’a pas commencé une collection d’éléments naturels ? Quel plaisir pouvons-nous avoir en contemplant ce que nous avons choisi, comme étant mystérieux ! Or, ces fragments, signes de pollution, constituent pour l’artiste une nouvelle couche géologique. En les récoltant, elle témoigne de la capacité de la nature à digérer notre activité. Ces traces de nos impacts sur les plages sont des indices de l’ère anthropocène dans laquelle nous sommes entrés, une nouvelle période géologique qui serait analysée par les chercheurs du futur.
Laurence Nicola fait partie de cette famille d’artistes qui apprécient les matières pour ce qu’elles ont à nous dire des paysages traversés. Ses œuvres délicates et sensibles, parfois « ready made naturel », renvoient à ses immersions au cœur de grands paysages. Elles nous invitent ainsi à porter notre regard sur les détails des facettes des éléments modifiés à la fois par la nature et par l’homme.
Fantastique Naturel, exposition personnelle de Laurence Nicola, Ségolène Brossette galerie, Paris jusqu’au 25 septembre.