Natalia Jaime-Cortez — Espace d’art contemporain Camille Lambert, Juvisy
L’Espace d’art contemporain Camille Lambert de Juvisy présente une exposition sensible et pleine de poésie de Natalia Jaime-Cortez qui nourrit l’imaginaire pour mieux nous faire goûter le vertige du réel.
Ce mouvement, central dans la démarche de l’artiste, la guide dans la réalisation de ses œuvres emblématiques, des bandes de papier suspendues ou accrochées au mur recouvertes d’encre leur conférant des teintes complexes et organiques. Le procédé, que l’artiste compare à la révélation photographique, tient également de la chorégraphie, qui fut un temps son domaine d’expression principal. Tant en matière de répétition de geste que dans la retranscription d’un mouvement qu’elle amorce et qui la dépasse pour s’immobiliser dans la durée du séchage, toujours différent, s’inscrit sur le papier la trace d’un geste enlevé, d’une danse du pinceau ou de la course de l’encre vers la gravité. Le procédé, mobile et léger devient tout aussi souple en organisant des rencontres de nuance par ensemble de correspondances, de hasards et d’accidents.
La désorientation, au cœur de cette proposition paraît, quoi qu’il arrive, inévitable ; comment, plongé dans une immensité où tout est lié, se retrouver ? Peut-être en comptant ses pas, en se fiant au son, très présent dans l’exposition avec des pièces sonores qui sont autant de balises rythmant le voyage. Réceptacles fabuleux à l’imaginaire, les installations, dans leurs matériaux comme dans leurs motifs invitent au toucher, à éprouver la sensation et se chargent de symboles énigmatiques nées des contractions du support.
Nait alors un jeu passionnant entre l’enfermement et l’étendue. Au sein de ces voiles de couleurs qui nous enserrent se révèle l’image d’un espace infini. Entre clôture et ouverture, le papier joue comme un abri mais sa porosité laisse entrer le monde extérieur. L’œuvre de Jaime-Cortez embrasse ainsi à plein cette analogie avec la peau, cette couche qui nous protège du monde autant qu’elle nous y relie. Les feuilles vibrent et se meuvent comme la peau évanescente et pourtant bien sensible de cette baleine de rêve.
Un songe qui tourne au vertige ; les feuilles imbibées d’encre se chargent d’une force poétique inattendue, celle d’une peau monde qui frémit toujours de sa respiration, le courant d’air qui relie point à point toute la surface de la terre. Tout comme l’eau des rives de la Seine rejoint, à force de voyage, les grèves insensées des plages de Patagonie.