Yuki Kimura — Galerie Chantal Crousel
À la galerie Chantal Crousel, Yuki Kimura (née en 1971) installe à même le sol une fresque énigmatique composée de plateaux sphériques dont les variations de forme imposent un ordre. Entre progression temporelle et évolution spatiale, c’est l’ensemble de l’espace qui résonne d’une manière nouvelle autour de cette ode à la quiétude et au voyage introspectif.
Yuki Kimura — Time Paradox @ Chantal Crousel Gallery from June 1 to July 25. Learn more Avec un minimalisme élégant et plus excentrique qu’il n’y paraît, Yuki Kimura déploie ses installations qui se complètent en révélant la valeur réflexive d’éléments quotidiens. Elle déjoue le mutisme d’outils dont la fonctionnalité est abandonnée pour inventer une scène singulière. Porté par une esthétique pleine de références à l’histoire de l’art et rompu à l’art d’ordonner les formes pour y déceler le potentiel de création d’images, son travail joue de l’étrange magnétisme d’une familiarité.Socles, fils, accessoires décoratifs s’y unissent pour offrir des installations ne révélant qu’après coup leur nature énigmatique. Si chaque élément nous est connu, sa transposition dans l’espace de la galerie charge l’ensemble d’une valeur de motif dont on ne sait s’il fait scène ou tableau.
Dans la droite lignée de son œuvre, l’exposition Time Paradox dispose ses outils (plats dénichés à travers le monde, cuillers, bols) à même le sol et renverse la perspective. Doublement renversée même puisque l’exposition fait référence à un restaurant du même nom offrant, dans les années 1980 à Kyoto, un menu riche de spécialités du monde entier. Time Paradox en emprunte la lumière rouge qui caractérisait sa salle à manger et la notion d’un événement qui ne peut se jouer que dans l’expérience qu’on en fait. Aussi bien que le temps, c’est la géographie qui se voit questionnée.
Les cimaises alentour restent vierges et c’est au corps de s’engager au sein de l’espace pour embrasser l’ensemble de la mise en scène. Le soin et l’attention engagés par celle-ci participent alors d’une visée qui fige son objectif si précisément qu’elle aiguise à son tour le regard du visiteur. Dans ce minimalisme assumé, le sérieux et la minutie deviennent les garants d’une nécessité impossible, mimant un ordre quasi-sacré d’une procession de couverts qui donne une mesure concrète du temps. Un décalage baroque qui fait toute la force d’une installation qui, malgré son infinie simplicité, engage la conscience aux confins de la perception sensorielle.
Car in fine, c’est bien le corps du visiteur qui devient le centre de cette fresque pour le moins saugrenue aux allures de jeu maniaque et se retrouve livré à lui-même, invité à définir la nature même de ces outils devenus acteurs d’une parabole existentielle.