Annette Messager, Mes Transports — Galerie Marian Goodman
Avant la grande exposition que lui consacrera le musée d’art contemporain de Sydney l’été prochain, la galerie Marian Goodman expose les récentes œuvres d’Annette Messager. Narration en trois temps, le parcours offre une plongée dans le noir qui éveille de lumineuses questions.
« Annette Messager — Mes transports », Galerie Marian Goodman du 13 novembre au 21 décembre 2013. En savoir plus C’est donc en trois temps qu’est construite cette exposition. D’abord, les prémisses de la vie, à notre droite, dans le show-room de la galerie, préfigurées par la pulsion sexuelle. Là, les œuvres récentes, de petite dimension signent à l’encre noire la rencontre des corps. Dans ce rapprochement sexué, les animaux et les hommes sont logés à la même enseigne. Triviale et belle enseigne. Deux hyènes s’accouplent. Plus loin, c’est le sexe tendu d’un homme que tient une main agitée. Les bouches et les sexes dessinent une partition aussi impudique que tendrement réaliste. L’ensemble choque autant que séduit et renvoie directement à notre désir rejeté loin dans l’inconscient. Annette Messager choisit, non pour provoquer, de le montrer, tel qu’il est. Le désir explose ainsi à la vue, implacable et sans détour. Belle impasse pour l’oeil.Ensuite, le regardeur tombera nez-à-nez avec un parterre de sculptures noires qui semblent fossilisées. Le temps de la mort est venu. L’heure d’après a sonné. Baptisée Mes transports, cette récente pièce est pour l’artiste une « métaphore de nos transports, amoureux ou autres transports…» Ces fragments de corps, d’animaux, ou petits objets (chaussures d’enfant, clown rieur, etc.) sont en effet fixés sur des chariots à roulettes. L’artiste se posera avec nous la question de
Le désir explose ainsi à la vue, implacable et sans détour. Belle impasse pour l’oeil.
savoir « s’ils vont être séparés, s’ils arrivent ou alors sont sur le départ.» Les roues symbolisant ici les roues du temps. Chacun de ces « transports » est protégé par de vraies couvertures utilisées pour les déménagements.
Aussi, tous ont-ils été frappés par la mort et sont maintenant prêts à voyager vers l’au-delà. Noirs, comme recouverts de cendre, ils sont autant d’îlots tristes, vestiges d’un monde disparu. « Bouffonneries macabres…» nous confiera Annette Messager, sans pour autant nous condamner à une lecture unique. D’interprétation il s’agira aussi plus tard, au sous-sol de la galerie, face à ses « continents noirs», monde sans hommes où seules subsistent quelques îles flottantes aux ombres mouvantes. Ces îles, fragments noirs géométriques suspendus au plafond annoncent le dernier temps du parcours. La présence humaine n’est plus, elle a déserté.
Dépeuplé, l’univers se rappelle alors à son bon souvenir, mais plus personne n’est là pour le penser.