Zhuo Qi — Galerie Les filles du calvaire
Du 26 janvier au 23 février, La galerie Les filles du calvaire accueille la première exposition personnelle de Zhuo Qi, artiste chinois travaillant en France, qui, sous des allures espiègles et ludiques, cache une profondeur troublante.
« Zhuo Qi — Y’a des jours comme ça », Galerie Les filles du calvaire du 26 janvier au 23 février 2019. En savoir plus Par la simplicité du jeu, l’innocence de la facétie, Zhuo Qi (né en 1985) manie les symboles et crée des formes hybrides aussi déroutantes que chargées du poids de leur histoire. Chez lui, les couverts se fondent aux assiettes, les peluches se recouvrent d’une peau de porcelaine, qui les durcit autant qu’elles en augmentent la fragilité, autant de cuirasses en trompe-l’œil qui disent toute la vulnérabilité de nos souvenirs. Les formes, objets s’interpénètrent, natures riches ou débris s’emmêlent pour tenter de se confondre et créer un amalgame aux allures d’essence retrouvée d’objets impossibles.L’impossible trouve ici sa justification dans l’explosion initiale. Pour sa première exposition personnelle à la galerie Les filles du calvaire, Zhuo Qi rejoue le big bang à sa manière, dans l’urgence et la simplicité d’une farce, embrasant la mèche de pétards jetés au creux d’un vase et se précipitant hors-champ, à l’abri des soupçons. Depuis la rue, la vidéo, accompagnée de trois vases défoncés annonce le renversement à venir.
Les chaises en bambous, présentées dans l’entrée de l’exposition, se lovent dans leur perte de fonctionnalité. Pures présences, qui ne sont d’ailleurs plus ni chaises, ni bambou, ces sculptures, détournées de leur rôle, jouent à évoquer leur nature initiale en habillant la cimaise.
Dans l’espace principal de la galerie, plongé dans une pénombre bienvenue, des formes hybrides peuplent la surface. Des pots de fleurs renversés, abîmés, rompus à leur fonction de contenant muet de fleurs vivaces régurgitent leur contenu. Terre, fleurs, tiges, luisantes et solides, s’ébattent autour de pots usés et déformés par le poids d’une fonction de « support ». Comme autant d’îlots, les parcelles au sol accueillent des sculptures échouées là, déjouant la séduction attendue de la céramique pour en offrir des formes accidentées, brisées et gisant dorénavant, épuisées de l’intérieur et alanguies. À l’image du titre de l’exposition, ce Y’a des jours comme ça aussi las que malicieusement résigné, l’ensemble figure la fatigue d’un art empli de son histoire, lourd de son patrimoine culturel et bien moins pesant dès lors qu’il implose de tous ses attendus.
Inversant les codes, le vase, contenant traditionnel de fleurs et de terreau semble à son tour investi d’une nature végétale, comme émergé à la surface et étendant ses lignes au gré de forces intérieures, d’accidents de développement. Toutes les sculptures dessinent alors, autour d’un bouton central, les pétales minéraux d’une fleur monumentale, rêche, rugueuse et accablée par cette pesanteur contre-nature. Les sculptures de fleurs éparses qui les entourent ne sont que des pièges en trompe l’œil, étalées de façon aléatoire, elles ne figurent plus le produit d’un développement final mais au contraire le fil qui les réunit, la racine symbolique qui court d’un vase à l’autre, renversé et inversé. L’ensemble réinvente sa propre harmonie et l’on déambule au cœur de ce système qui fait du béton au sol l’humus symbolique de ce ballet organique.
La chute initiale devient alors une possible « remontée », un essor inespéré qui fait écho au goût de Zhuo Qi pour une destruction créatrice, un « plastiquage » radical révélateur de la nature plastique de l’œuvre d’art, sa capacité à faire s’accoler entre elles, sous les assauts du feu, les matières, les natures et les fonctions.