Ecal Photography — Galerie Azzedine Alaïa
Alors que s’achèvent les grands messes consacrées au medium photographique, l’exposition ECAL Photography ouvre le rideau sur la relève des jeunes générations. Quatre questions à Nathalie Herschdorfer, commissaire de l’événement et figure phare de la photographie émergente, à qui l’on doit la sélection des travaux montrés jusqu’au 15 décembre à la galerie du couturier Azzedine Alaïa.
Léa Chauvel-Lévy : Pourquoi exposer ces 58 élèves de l’École cantonale d’art de Lausanne ? Pour les préparer au marché ou bien pour leur donner une chance ?
Nathalie Herschdorfer : Ce qui m’intéresse est de placer le travail de ces jeunes photographes dans un contexte plus large, celui de la photographie contemporaine. Vers quoi tendent les travaux des nouvelles générations ? Comment se situent-ils par rapport aux grands courants de la création contemporaine et par rapport aux générations précédentes ? L’école d’art est un lieu merveilleux pour étudier, questionner son medium, hors de la pression professionnelle. Il est bon de s’entraîner, s’essayer à de nouveaux genres, mettre en question sa compréhension du médium. Tout ceci aiguise la créativité. Je pense sincèrement que cette créativité leur sera utile dans leur vie professionnelle, lorsqu’ils se trouveront sous pression d’une commande ou en manque d’inspiration… L’école est pour moi ce fabuleux laboratoire d’idées, d’images et c’est ceci que j’ai souhaité montrer dans ce projet. Les jeunes photographes qui y sont représentés doivent continuer à travailler pour entrer sur le marché, leur talent doit être exercé. Certains trouveront leur voie plus vite que d’autres, mais il est important de continuer à chercher.
Comment avez-vous opéré la sélection à la fois des images et des élèves que vous exposez ici ?
J’ai procédé à la sélection par les images. Je me suis imprégnée en regardant les travaux réalisés ces cinq dernières années. Il n’y avait aucun ordre, ni chronologique, ni par auteur. J’ai vu beaucoup de séries d’images et il m’importait peu de savoir si celles-ci étaient réalisées en année de diplôme ou au milieu des études. j’ai souhaité réunir une sélection d’images qui montrent les différentes directions suivies par les étudiants. Je ne souhaitais pas montrer un choix restreint d’auteurs mais mettre l’accent sur la force des images. Je cherchais une cohérence derrière les travaux et bien que très peu d’images d’une même série soient présentées, j’ai privilégié les étudiants qui ont développé un univers photographique fort. Le sujet ou le genre m’importait peu finalement.
Est-ce que les œuvres s’achètent d’ores et déjà ?
Certains photographes, à peine sortis de l’école, se trouvent repérés, publiés, exposés. Ce n’est pas le cas de la majorité mais il est vrai que l’ECAL est une école qui les encourage dans cette voie. C’est un peu tôt pour trouver ces photographes sur le marché mais certains parviennent à exposer leur travail de diplôme ou à recevoir des commandes liées à ce qu’ils ont produit à l’école. Il est important qu’ils poursuivent leur recherche, prennent le temps de créer, étudient de nouvelles pistes ou poursuivent une réflexion entamée lors de leurs études. Se retrouver en galerie en sortant de l’école est stimulant, certes, mais c’est également une grosse pression. L’idée n’est pas de brûler les étapes…
Est-ce arrivé qu’un élève soit repéré grâce à cette exposition récurrente ?
Oui, cela peut arriver qu’un travail sorte soudain du lot. Mais j’ai observé que les photographes qui ont développé un travail durant leurs études et qui ont été repérés, l’ont aussi mené plus loin après l’école. Ils ont réussi à le poursuivre tout en le renouvelant, tout en ouvrant de nouvelles voies. Ceux qui ont réussi à trouver une galerie et à vendre leurs images sont ceux qui travaillent beaucoup et créent continuellement de nouveaux travaux. Il y a une cohérence et une certitude dans leur démarche, une voie qui leur est propre et qu’ils suivent avec engagement. Il faut du talent, certes, mais il faut beaucoup travailler…
L’exposition se poursuit à Milan du 11 janvier au 15 février 2014 à la Galleria Carla Sozzani
Un livre accompagne l’exposition : « ECAL Photography » publié chez Hatje Cantz — 296 pages, 385 images — Français et anglais — 26,5 × 35 cm — 50 Euros — ISBN 978-3-7757-3725-8