Panorama 12/13
De la maison rouge au Palais de Tokyo en passant par le centre Pompidou, la rédaction pose un regard sans concession sur les expositions franciliennes du mois de décembre.
Annette Messager — Galerie Marian Goodman ••
Avant la grande exposition que lui consacrera le musée d’art contemporain de Sydney l’été prochain, la galerie Marian Goodman expose les récentes œuvres d’Annette Messager. Narration en trois temps, le parcours offre une plongée dans le noir qui éveille de lumineuses questions. L.C.-L. « Annette Messager — Mes transports », Galerie Marian Goodman du 13 novembre au 21 décembre
Lee Ufan — Galerie Kamel Mennour •••
Avant d’honorer l’invitation du Château de Versailles en 2014, Lee Ufan expose ses récentes œuvres à la Galerie Kamel Mennour. Philosophe, écrivain, théoricien, sculpteur et peintre, Lee Ufan réactualise la figure de l’humaniste de la Renaissance, attaché aux savoirs autant qu’à l’universel. Lee Ufan défie le néant, matérialise l’équilibre, plaque l’existence d’un geste sûr et maîtrisé, frôlant le divin. Car sa création, sans passer par la figuration, figure pourtant à merveille le monde. L.C.-L. « Lee Ufan », Galerie Kamel Mennour du 6 novembre au 28 décembre
Sophie Calle — Galerie Emmanuel Perrotin ••
Absence, disparition, on l’a beaucoup dit, sont autant de thèmes chers à Sophie Calle. Avec le parcours Dérobés, l’artiste en explore à nouveau les veines et convie le regardeur à observer la brutalité qu’induit le vol d’un tableau. Trois salles, trois séries. Parcours resserré donc. Pourtant, c’est dans la durée que celui-ci s’inscrit. Car comme souvent, Sophie Calle, convie à la lecture. Une lecture comme temps d’arrêt et invitation à la réflexion. L.C.-L. « Sophie Calle — Dérobés », Galerie Emmanuel Perrotin — Saint Claude du 13 novembre 2013 au 11 janvier 2014
Joel Kyack — Galerie Praz-Delavallade ••
Pour sa première exposition personnelle en France, l’artiste américain Joel Kyack investit la galerie Praz-Delavallade et propose, avec Point at the Thing that’s Furthest Away un cocktail délirant et jubilatoire de peinture moderne qui cache, sous sa puissance frontale, une profondeur insoupçonnée. Il faut reconnaître une fois de plus la qualité de la trouvaille de la galerie Praz-Delavallade qui ose s’aventurer sur les terres libres du Californien qui, sous ses airs de farceur à tendance scatologique assumée, ne cesse d’alimenter ses inventions de points de tension conduisant à repenser les liens de l’humanité moderne à la nature. G.B. « Joel Kyack — Point at The Thing That’s Furthest Away », Galerie Praz-Delavallade du 23 novembre 2013 au 11 janvier 2014
Pierre Huyghe — Centre Pompidou •••
Un sentiment particulier se dégage de la rétrospective de Pierre Huyghe au Centre Pompidou, une forme d’attachement presque magnétique nous incitant à rester ou à revenir la voir. Cette impression s’installe dès l’entrée dans la galerie sud, au moment précis où le gardien annonce votre présence en criant votre nom. Ce sera alors le premier signe de votre appartenance à cette exposition dépliée selon un cadre et un temps autonome et dont la plupart des formes développent une activité intense qui nous amène habilement à prendre en considération notre statut de témoin imparti dans le déroulement de ce voyage. Pierre Huyghe dépose des marqueurs, des repères, des fragments de passé tous co-présents. Il donne à voir l’indéterminé sous un angle fascinant, tout en se jouant de notre capacité à habiter et composer une image simultanément. A.B.-C. « Pierre Huyghe », Centre Georges Pompidou du 25 septembre 2013 au 6 janvier 2014
Théâtre du monde — La maison rouge •••
Métamorphosée, la maison rouge signe une dixième exposition de collections particulières d’une richesse absolue. Les invités sont de marque puisque se côtoient ici la collection de David Walsh, fondateur du MONA (Museum of Old and New Art) et celle du TMAG (Tasmanian Museum and Art Gallery), le tout agencé et mêlé par la sagacité du commissaire Jean-Hubert Martin. Une mise en regard intime, sincère pour un résultat hautement convaincant. Les deux collections traversent ainsi les grands thèmes de la vie sans jamais tomber dans des schémas faciles ou déjà empruntés. Force et émotion sont au centre de ce chemin entre vie et mort, de l’Antiquité à nos jours. L.C.-L. « Théâtre du monde », La maison rouge du 19 octobre 2013 au 12 janvier 2014
Philippe Parreno — Palais de Tokyo •••
Par la sensation, par la mise en espace, Philippe Parreno déploie une langue des sens, des sensations, où le froid de l’espace compénètre l’obscurité, où l’espace lui-même ne se fait plus simplement dimension à percevoir mais à ressentir. En ce sens, le Palais de Tokyo offre un terrain de jeu superbement employé par l’artiste qui fait de l’apparente économie de moyens, de pièces une possibilité même d’en goûter l’infinie sensation. G.B. « Philippe Parreno, Anywhere, Anywhere Out of the World », Palais de Tokyo du 23 octobre au 12 janvier 2014
Heidi Bucher — Centre culturel suisse ••
Le centre culturel suisse présente jusqu’au 8 décembre 2013 la première exposition personnelle en France de l’artiste suisse allemande Heidi Bucher (1926-1993), participant ainsi d’un mouvement plus général de redécouverte de son travail après une éclipse totale de plusieurs années. Espérons que cette découverte belle et sensible donnera suite à une nouvelle exposition qui, en élargissant le spectre à d’autres œuvres de Heidi Bucher, permettra de relancer les questions que son travail soulève sur la mémoire des lieux, qu’elle soit personnelle ou collective, et d’approfondir la réflexion sur l’importance au sein de son œuvre du performatif et du sculptural, de l’éphémère et du durable. M.C. « Heidi Bucher », CCS, Centre culturel Suisse du 13 septembre au 8 décembre
Sergio Larrain — Fondation Cartier-Bresson •••
La Fondation Henri Cartier-Bresson expose les clichés du photographe chilien Sergio Larrain avec toute la grâce que son œuvre méritait. De cet homme sauvage dont on ne connaît qu’une période succincte (1950-1960) et qui se retira très vite du milieu de la photographie, on ne sait presque rien, sauf, peut-être qu’il fascina tous ceux qui le croisèrent. Sans doute par son besoin de rencontrer le réel comme un enfant qui découvre le monde. Cela, la commissaire Agnès Sire en rend extraordinairement compte en signant un parcours indispensable autant qu’émouvant. L.C.-L. « Sergio Larrain — Vagabondages », Fondation Henri Cartier-Bresson du 11 septembre au 22 décembre
Erwin Blumenfeld — Jeu de Paume •••
D’Erwin Blumenfeld, on connaît surtout sa période dédiée à la photographie de mode. Le Jeu de Paume choisit de cantonner cet aspect à une seule et unique salle de sa rétrospective, aux côtés d’autres pièces vouées à exhumer d’autres pans de sa carrière pléthorique moins connus et même inédits, tels que photomontages, dessins, collages. Un parcours qui fait place à toute la modernité de son œuvre pour un résultat grandiose. L.C.-L. « Erwin Blumenfeld (1897-1969) — Photographies, dessins et photomontages », Jeu de Paume, du 15 octobre 2013 au 26 janvier 2014
Joël Andrianomearisoa, Sentimental — Maison Revue noire ••
L’exposition Sentimental est l’invitation la plus séduisante qui soit à découvrir le site de la Maison Revue Noire, transfiguré par les entrelacs d’ombre et de lumière, de secrets et de joies qu’y déploie Joël Andrianomearisoa. Partout, s’exprime une magie, un élan vitaliste ; ceux de l’être révélé à soi-même dans la (dé)possession amoureuse. P.B.-H. « Joël Andrianomearisoa — Sentimental Acte II », Maison Revue Noire du 28 septembre au 31 décembre
Laurent Bochet, Doubles vues — Galerie Florence Leoni •••
Accompagnée d’un livre, l’exposition Doubles vues, à la galerie Florence Leoni recèle elle-même un intérêt double. Les photographies de Laurent Bochet posent en effet leur regard sur le travail de Xavier Veilhan pendant le montage de son exposition Architectones, au MAMO à Marseille. Le parcours tisse ainsi des entrelacs entre le médium photographique et l’architecture pour une plongée passionnante à double focale. L’exposition, aérienne comme les œuvres qu’elle présente, laisse une belle empreinte… Bochet, Veilhan et Le Corbusier, un trio à l’image de l’architecture moderniste, laborieuse mais légère, rigoureuse mais travaillée à l’épure. L.C.-L. « Laurent Bochet — Doubles vues. Un livre. Une exposition », Galerie Florence Leoni du 15 novembre au 20 décembre
Vivian Maier — Galerie des Douches •••
Après une exposition à New York et un livre, la galerie des Douches expose les tirages postérieurs (peu de vintage) de Vivian Maier, photographe reconnue de façon posthume, qui cacha son travail jusqu’à la fin de sa vie. Une (re)découverte aussi émouvante que déchirante qui tisse les fils d’un mystère encore non élucidé ; celui d’un œuvre d’une beauté plastique évidente qui oscille entre le surréalisme, la Nouvelle Objectivité et la photographie documentaire moderne. L.C.-L. « Vivian Maier », Les Douches — La Galerie du 16 octobre au 21 décembre
Erwin Olaf, Berlin — Galerie Rabouan Moussion •••
La terreur du nazisme. La toute puissance de l’enfant post-moderne. La vieillesse décatie mais sublimée. Le caractère pathétique du pouvoir. Olaf ne traite pas un sujet sans en évoquer mille autres. Sans pagaille. Avec le parti-pris de laisser le regard se balader entre différentes interprétations. Certains verront ici une dénonciation du troisième Reich, d’autres une forme de désillusion quant à ce qu’aurait pu (dû ?) devenir Berlin une fois libérée de son carcan. Nulle définition ne saurait de toute façon rendre compte de l’idée sensorielle du Berlin qu’Erwin Olaf crée ici brillamment par l’image. L.C.-L. « Erwin Olaf — Berlin », Galerie Rabouan Moussion du 5 octobre au 30 novembre