Etel Adnan — Galerie Lelong & Co.
La galerie Lelong & Co. présente une exposition émouvante et profonde autour des derniers travaux d’Etel Adnan, dont la disparition en 2021 a laissé la peinture et la poésie orphelins de l’une de ses plus brillantes orfèvres.
Glissant des riens au tout, ses compositions apaisent les infinies variations de la couleur pour mieux happer le regard dans un vertige inattendu où la réduction du trait, où la limitation arbitraire des éléments recèlent à leur tour une sublime profondeur, où la rencontre entre deux tonalités témoigne du dialogue immémorial entre paysage et figuration, entre don au regardeur et abstraction opérée dans le monde, entre sa transformation abstraite enfin et l’hommage rendu à la nature.
Avec Découverte de l’immédiat, titre de l’exposition et d’une de ses dernières séries rappelant toute l’évidence foudroyante de sa capacité à mobiliser le langage avec une sobriété grave, Etel Adnan voit son œuvre s’engager dans un nouveau cycle, dont cette nouvelle exposition scande un temps particulier.
Plus qu’un hommage, la galerie Lelong & Co. dévoile une série inédite, minimaliste et vibrante de l’artiste, réalisée au printemps dernier qui s’empare de son environnement immédiat. Vibrantes, à la manière du trait dont les oscillations, marquées par le passage du temps, les œuvres présentées témoignent d’un besoin encore vivace de poser sur la toile les pigments, la marque d’une présence dont le sentiment se lit dans le contraste. Les effets de profondeur s’emmêlent et se retrouvent ; les perspectives détournent les lignes de fuite pour se faire lignes d’intensités, attirant le regard vers une profondeur en trompe-l’oeil. Sur le fond vierge, la distance s’intensifie à mesure que s’amincit le trait, puis nous surprend avec les contours épais d’un objet plus lointain, métaphore grave d’une lumière qui s’exprime alors par l’opacité du noir, par la pression du pinceau sur la toile. Mémoire réflexe des éblouissements du quotidien, ces compositions suspendues de contemplation anodine rencontrent les après-midi lascives du retour de printemps, l’entrée à nouveau de la lumière du soleil dans nos intimités.
Cette percée de l’esprit par la lumière, cette formation de l’image par l’abstraction trouve un reflet immédiat dans la confrontation de ces intérieurs avec des paysages, symboles en acte de la porosité du concept d’habitation pour cette citoyenne des mondes, glissant de langues plastiques aux autres, célébrant par la simplicité de son trait la complexité de tous les liens.
Pleine d’émotion et de retenue, cette présentation parvient ainsi à prolonger la force cardinale de l’artiste en forme de cercle vertueux. Glisser avec évidence d’un champ à l’autre du réel pour en montrer la troublante continuité et s’emparer d’objets à portée de mains pour y mêler des images de souvenirs, à portée de pensée, celle-là même qui restera gravée chez tous ceux qui les contemplent.