Ethan Murrow — Galerie Les filles du calvaire, Paris
La galerie Les filles du calvaire présente jusqu’au 23 octobre une exposition personnelle d’Ethan Murrow qui mêle fragilité et beauté dans une ode à la nature qui en devient le reflet.
L’artiste américain se remémore la campagne de son enfance dans le Vermont, au nord-est des Etats-Unis. Il prend soin de rendre avec une grande finesse ses souvenirs de terres agricoles, de villages pittoresques, de forêts et de montagnes propices à la rêverie. Un respect pour la nature et pour ce qu’elle nous offre surgit dans ses œuvres d’une grande poésie. Une quête optimiste de retrouver le contact avec le vivant végétal ainsi qu’une certaine nostalgie d’un territoire peu marqué par l’industrialisation émergent dans l’ensemble de son travail artistique.
« Maintenant, je vois à quel point j’ai eu de la chance de grandir dans un endroit et dans une famille qui a tant investi dans la terre, que ce soit l’exploitation forestière, l’élevage ou la culture de fruits et légumes. Ma vie urbaine m’amène désormais à observer ces souvenirs avec une douce lucidité et nostalgie. Je reconnais que nous sommes dans une lutte collective urgente pour s’associer à la nature, la préserver, entretenir et soigner la terre qui nous donne tant », témoigne l’artiste d’une grande sensibilité.
Ses paysages romantiques nous attirent et nous invitent à prendre le temps d’observer la profusion de détails de plantes et d’éléments naturels que le personnage cherche à atteindre. L’artiste se met en scène dans des situations où il joue l’équilibriste, l’arpenteur ou le chercheur qui se voue à des taches impossibles. Sa tête est bien souvent recouverte d’un ensemble de fleurs comme s’il transportait un fragment d’une biodiversité qui lui est chère. Parfois, ce sont les nuages qu’il attrape avec ardeur. On peut y voir un certain écho aux peintures d’Arcimboldo, portraits compositions de fleurs, de fruits, symbolisant les saisons. N’y-a-t-il pas dans ses œuvres un désir de retrouver une idée de nature encore peu impactée par l’homme ? Ethan Murrow nous invite à prendre une posture contemplative face à des milieux naturels luxuriants, paradis perdus, lieux de rêve ou d’histoires qui traversent les contrées et les époques.
Récits d’ascension, ses dessins et peintures d’une grande virtuosité technique font naître un désir de restaurer une relation à la biodiversité. Teintées d’un certain engagement envers l’écologie, ses œuvres nous invitent à ouvrir notre champ de perception pour apprécier la richesse d’une étendue à la fois sauvage et maîtrisée par l’homme. « Celles-ci naissent du désir et de la perte d’un passé écologique mythique. À la ferme, j’ai rapidement appris, en essayant et en faisant des erreurs, que toutes récoltes impliquent bien plus que la vision romantique de mon enfance. Il est question de lutte, de travail acharné, de passion, de chance, d’innovation, de persévérance et de privilège », raconte Ethan Murrow.
Dans ses efforts pour garder une image de panorama, le personnage apparait dans une certaine fragilité, sur des points de bascule, avec un certain goût du risque. Vêtu de son costume végétal, il emporte avec lui cette nature merveilleuse, des bouquets fabuleux, association de différentes espèces, des bosquets d’une forêt, des ruches. Il devient le messager d’un plaisir de la récolte des fruits du travail du jardinier et de l’agriculteur. Il s’évertue également à se surélever sur des piles de livres. Tout est bon pour essayer d’atteindre les fleurs, beauté d’une nature extraordinaire.
Au mur, une peinture murale réalisée en collaboration avec l’artiste Bruno Gadenne montre un véhicule transportant un paysage marin au coucher de soleil, une tentative de maintenir en mémoire une expérience esthétique de la nature.
Face à ses œuvres, des images de jardins fleuris, de paysages grandioses reviennent en nous. L’homme apparaît impuissant face à ce milieu dense. Reste-t-il des paysages préservés de nos impacts ? Peut-on encore songer à des milieux riches en végétation et où prendre le temps de contempler des paysages immenses ? Ainsi, nous prenons conscience de l’urgence de prendre soin des forêts, des campagnes, des montagnes. Ethan Murrow nous invite à un voyage à la découverte de paysages où s’arrêter pour prendre le temps d’observer une nature foisonnante.