Léa Belooussovitch — Musée d’art moderne et contemporain, Saint-Etienne — Point de vue — Slash Paris

« Léa Belooussovitch — Feelings on felt », MAMC+ du 7 janvier au 15 août 2021. En savoir plus Feelings on felt présente une quarantaine d’œuvres issues d’un pan majeur de sa pratique, réalisées aux crayons de couleur. Le dessin de Belooussovitch, représentée par la galerie Paris-Beijing voile autant qu’il dévoile des fragments volés de la réalité. À partir de photographies glanées dans des titres de presse ou témoignages en ligne liées à des événements dramatiques, cette artiste née en France en 1989 réalise sur des toiles de feutre blanc des reproductions médiées, armée de seuls crayons de couleur qui, dans la durée du processus qu’elles exigent, tranchent avec l’immédiate urgence de son sujet. Le procédé, systématique, déjoue les traits identifiables pour noyer protagonistes et indices de terreur dans un flou magnétique qui unit les images dans un champ éclatant de couleurs emmêlées.

Ne camouflant ni n’exhibant l’horreur, Léa Belooussovitch cite directement les sources de ses images de base qui deviennent autant possibilités esthétiques et d’agencements de lumière nourrissant de nouveaux possibles. Face au déferlement des images, à l’insatiable surenchère des « instants volés », la création devient chez elle une manière de s’abstraire des signes d’une communication évidente et déjoue l’information pour retrouver le geste de formation du pathétique (au sens étymologique du terme, renvoyant à l’émotion et à la réception, sans défense, de la passion) pour ouvrir les perspectives sur la manière dont l’événement imprime sa marque sur nous. L’impressionnisme adopte un nouveau masque qui charge ses compositions d’éclats spectraux cachant des réalités dont nous portons la responsabilité de chercher trace et observons, par le biais du médium crayon de couleur dont chacun de nous a pu faire l’expérience, le fulgurante proximité.

Le flou devient alors une position politique, le frottement d’une implication personnelle auprès de l’horreur tout en maintenant une certaine pudeur qui fait se son œuvre un ensemble en suspens parvenant à articuler proposition esthétique et questionnement ancré dans l’actualité, ses tourments et ses possibles lignes de fuite.

Guillaume Benoit

Découvrir l’exposition de Léa Belooussovitch en images au MAMC+ de Saint-Etienne Métropole :