Les artistes libanais à la Triennale de Paris
Avec cinq plasticiens, le Liban est bien représenté à la Triennale de Paris — Intense proximité. Scène qui s’intéresse à des problématiques globales, elle s’inscrit particulièrement bien dans les questionnements soulevés pour cette exposition et les préoccupations concernant l’historicité et l’héritage culturel . Dans le cas précis des artistes d’origine libanaise, la référence au passé ou à la tradition se fait par le biais de medium très actuels.
Ce medium tient d’ailleurs une place forte dans le pays, notamment grâce à Christine Tohme qui a fondé en 1994 la structure Ashkal Alwan, ayant développé expositions, résidences d’artistes, workshops et Video Works. C’est aussi, comme l’explique Khalil Joreige, en réaction à la télévision. « Au Liban, plusieurs universités enseignaient l’audiovisuel et le cinéma, mais la plupart des vidéastes qui ont commencé à travailler cette pratique ne l’ont pas fait dans ce cadre. Les productions artistiques se faisaient en dehors des débouchés traditionnels et de l’industrie, car, malgré les guerres, il y avait des dizaines et des dizaines de chaînes de télévision, qui offrait un cadre professionnel assez exceptionnel dans la région. Un autre facteur important dans l’industrie au Liban, était la fabrication de vidéo clips et de publicités pour l’ensemble du Moyen-Orient. En réaction, un groupe d’artistes a commencé à travailler sur le medium vidéo dans des cadres non institutionnels. Il fallait contrer cette industrie et investir les champs de diffusion et d’exploitation. Interroger le rapport à l’image et réaliser des vidéos qui n’étaient pas destinées à la télévision. Ce que l’on a pu faire avec la liberté particulière que nous avons au Liban. »
Né en 1978, Ziad Antar expose à la Triennale, une série réalisée à partir de pellicules périmées trouvées autant en Europe que dans le monde arabe. Il revendique d’ailleurs une appartenance aux deux cultures. La scène française par le fait d’avoir une galerie à Paris, d’être exposé dans les institutions hexagonales, collectionné par les FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain) et être en lien avec un réseau de commissaires français, tandis que son travail témoigne de l’importance de ses racines libanaises. « Je suis à l’aise quand je travaille dans le monde arabe, car je connais très bien la culture et les codes, c’est un atout qui s’est confirmé quand je participais à la Biennale de Sharjah. Aujourd’hui, pour un projet sur l’Arabie Saoudite, je lis des livres rédigés par des écrivains ou des historiens libanais et saoudiens, c’est un accès assez difficile à des ouvrages qui, souvent, ne sont traduits dans aucune autre langue. Cependant, je ne fais pas une crise identitaire que je transmets dans mes travaux. Mes vidéos n’ont pas d’espace ou de lieux précis, et beaucoup de mes films sur la guerre sont réalisés à Paris. Mais il est vrai que j’aime prendre le temps de bien connaître les lieux pour les ressortir en image. »
Benjamin de la bande, Tarek Atoui, né en 1980, est aussi bien loin de l’image galvaudée que l’on pourrait se faire d’un certain art oriental. Aux frontières de différents médiums, il s’illustre par des performances électros, mixant radio, télé, à la musique traditionnelle ou aux enregistrements de terrain. Pour Intense Proximité, le flux sonore est utilisé comme matériau se déployant à travers le Palais de Tokyo. Manifestation subtile, parfois imperceptible, maniant les questions de durée et de distance.