Réouverture du Treize — Entretien
Au cœur du onzième arrondissement, Treize se saisit de défis insolites. Dédié à la création émergente, cet espace d’exposition et de production propose les projets de plusieurs structures et commissaires-critiques : Red Shoes , représentée par Olga Rozenblum, Le Commissariat, ainsi que Damien Airault et Gallien Déjean. Rencontre avec ce jeune collectif, à l’occasion de la réouverture du lieu.
Paloma Blanchet-Hidalgo : Qu’est-ce qui fait la singularité de « Treize » ?
« La Simulation — Jagna Ciuchta & Julie Vayssière », Treize du 14 avril au 5 mai 2012. En savoir plus Olga Rozenblum : Notre devise : « se regrouper pour mieux agir ! » Oeuvrer avec différentes structures et curateurs indépendants reste en effet une démarche très rare en France. Notre particularité est d’être une fédération travaillant essentiellement avec de jeunes artistes. Nous imposons d’ailleurs moins une ligne artistique qu’une ligne politique liée à notre mode de fonctionnement. Le lieu se propose de montrer une « scène émergente », c’est-à-dire d’offrir aux créateurs des répercussions concrètes sur leurs carrières, comme ce fut le cas pour Eléonore Saintagnan.Gallien Déjean : Nous aimons chercher dans d’autres pays, sur d’autres scènes, faire en quelque sorte un travail de prospection internationale.
Damien Airault : Notre spécificité réside aussi dans la grande liberté que nous donnons aux artistes. J’ajouterais qu’en assurant le suivi de la production des pièces, nous devenons souvent, à des degrés très divers, des co-auteurs.
Treize souhaite « interroger le statut d’un lieu culturel et son rôle »…
O.R. : Nous menons plusieurs réflexions : Qu’est-ce qu’être commissaire aujourd’hui ? Quel rapport à l’artiste ? Que montrer ? Les projets sont aussi l’occasion d’explorer des questions touchant aux conditions de production ou à l’inscription du lieu dans son quartier, « Treize » étant soutenu par la Mairie de Paris.
G.D. : En tant que plateforme polyvalente, « Treize » permet aux jeunes artistes d’expérimenter. Nous souhaitons créer un palier de diffusion supplémentaire et ainsi leur offrir l’occasion de sortir du circuit plus institutionnel de la galerie et du centre d’art. Notre vocation d’espace alternatif n’est pas de s’opposer aux outils de productions classiques, mais de réfléchir à une économie et à une éthique de travail qu’on tente d’élaborer de manière pragmatique. Ici, pas de coulisses, pas de « bureaux cachés » : nous mêlons espaces de production et d’exposition.
D.A. : Et la médiation avec le public est faite « en direct » par les commissaires ou les artistes eux-mêmes. « Treize » est en ce sens un véritable lieu de rencontres.
Damien, pouvez-vous expliciter le titre de la prochaine exposition dont vous êtes commissaire, La Simulation ?
D.A. : Le terme « simulation » est emprunté à Simulacres et simulation de Jean Baudrillard, autant qu’au mouvement simulationniste qui interrogeait la place et le statut de la création. Des artistes telles que Louise Lawler ou Sherrie Levine reproduisaient des œuvres existantes, et remettaient ainsi en question la notion d’auteur dans leurs travaux. Notre exposition présente deux jeunes artistes. Jagna Ciuchta actualise et complexifie les principes de Lawler et Levine, notamment en y incluant un dispositif scénographique très récent. Julie Vayssière présente quant à elle des photographies spontanées, dont on pourrait dire qu’elles relèvent de la non-expression, de la non-idée, du geste inventif dans sa dimension la plus brute.
« […] Parfois je me dis que les œuvres et les expositions devraient apparaître sans décisions et, surtout, sans idées, arriver, avec l’évidence des feuilles qui poussent sur un arbre, avec leur intelligence propre, avec la nécessité de s’inscrire dans un cycle, mais sans intentions […] » En quoi cette vision structure-t-elle votre travail ?
D.A. : Je tends de plus en plus vers cette approche ! J’aimerais que les expositions « poussent » de cette manière, avec une sorte d’évidence. Par ailleurs, les feuilles d’arbre évoquent la multitude actuelle des expositions. S’agit-il d’en faire toujours plus que les autres ? Ou plutôt de prendre de la distance, pour se recentrer sur des choses authentiques ?
O.R. : Je crois que toute l’équipe se retrouve dans une démarche curatoriale d’honnêteté, mais aussi de subjectivité. Nous nous autorisons des goûts, un discours, non pas dans le thématique ou dans le dispositif, mais plutôt dans la présentation. Notre volonté est de faire découvrir, d’expliciter les rencontres personnelles que nous avons faites avec les artistes. En toute simplicité.