Sanna Kannisto — Galerie La Ferronnerie, Brigitte Négrier
Eloge d’une relation avec les oiseaux
Sanna Kannisto entretient avec les oiseaux une approche sensible et empathique. Elle poursuit sa compréhension de ces êtres vivants au fur et à mesure d’échanges avec des scientifiques. L’artiste finlandaise photographie des espèces parfois en voie de disparition et construit son travail artistique dans un grand respect de ces animaux. Le regard et la relation avec l’oiseau la guident dans son processus photographique. Ses résidences dans différents endroits de la planète, en Russie, en Amérique du Sud, en Italie, l’ont amenée à observer la biodiversité végétale et animale de réserves naturelles. Sanna Kannisto fait partie de ces artistes chercheurs, enquêteurs, dont la démarche artistique s’inscrit pleinement dans une conscience des enjeux environnementaux.
Ses photographies nous les donnent à voir de près, le contexte disparaissant au profit d’un fond blanc, qui permet, comme dans les illustrations scientifiques, de mettre l’accent sur les couleurs et les textures de l’animal. Tels des portraits d’oiseaux, ses images, qui ont d’ailleurs pour titre les noms des espèces, suscitent l’enchantement et pourraient émerger de livres de contes de fées. Proches également de la nature morte, celles-ci montrent les oiseaux dans des situations étranges, quasi en équilibre sur des branches d’arbres prélevées, témoignant d’un milieu naturel.
Après avoir établi un échange visuel avec ces animaux, Sanna Kannisto rend visible ce moment suspendu, quelques minutes durant lequel les oiseaux ont trouvé la branche où se poser. Dans le petit studio qu’elle a créé pour étudier et photographier les oiseaux lors d’expéditions, elle crée les conditions propices à l’observation ainsi qu’à une relation de proximité avec ces êtres vivants. Son processus photographique oscille entre l’approche scientifique et celle de l’artiste, qui invente des conditions de mises en scène quasi théâtrales. Les oiseaux nous sont donnés à voir avec une telle proximité que nous ne pouvons qu’être captivés par leur posture et leur morphologie. Si sa méthodologie de travail est des plus précises, l’artiste se laisse tout de même surprendre par la posture de l’oiseau.
Un nouveau dialogue peut alors s’opérer avec le spectateur, qui découvre ces espèces aux jolis plumages, pleines de vie. Leurs regards nous attirent et ils paraissent nous interpeller. Nous pouvons alors nous interroger sur leur habitat et sur leur répartition dans le monde.
À l’occasion des vingt ans de collaboration entre l’artiste et la galerie La Ferronnerie/ Brigitte Négrier, cette exposition réunit, en complément de sa série photographique de portraits d’oiseaux, dont la plupart sont réalisés dans la réserve ornithologique de Hanko en Finlande, des photographies témoignant de son travail de terrain. Densiometer donne à voir l’artiste en train d’observer la végétation foisonnante d’une forêt primaire. Nous nous immergeons, comme elle, au cœur d’une réserve où la biodiversité est étudiée et protégée. Ses compositions photographiques constituent également des indices de ses recherches dans les différentes stations biologiques, auxquelles elle a accès. Elles nous alertent sur la fragilité des milieux, montrent les gestes délicats des chercheurs et rendent visibles les lieux où elle s’est rendue.
Ainsi, l’ensemble de ces images permet avec justesse de montrer son processus de travail artistique, de l’étude des milieux jusqu’à la composition d’un studio photographique pour ses prises de vue. Ses analyses des biotopes, ses recherches avec les scientifiques s’associent à une expérience esthétique de l’ordre de l’émerveillement. Après l’enchantement, surgissent en nous des questionnements, la patience et la volonté d’un décentrement pour appréhender les habitats des oiseaux. Au-delà du sens de la vue, l’ouïe et le toucher peuvent être convoqués. Puissent ses photographies nous inciter à regarder, à écouter les espèces qui jouent un rôle fondamental dans l’équilibre des écosystèmes.
Exposition du 21 avril au 18 juin 2022. En parallèle de ce solo show à La Ferronnerie — Brigitte Négrier, d’autres expositions sont consacrées à l’artiste : Sense of wonder, exposition solo, commissaire Asdis Olafsdottir, la Maison Louis Carré, Bazoches-sous-Guyonne, du 24.04 au 31.08.22 et Ecoutons la forêt pousser, exposition à l’Institut finlandais, Paris Ve, 26.04 au 31.07.22