The Promise of Moving Things — Le Crédac
Avec The Promise of Moving Things, le Crédac invite le commissaire d’exposition Chris Sharp à développer un propos articulé au long de quatre expositions autonomes et pourtant liées. Basée sur l’idée de la promesse , son programme en questionne les modalités, voire même la possibilité au long d’un parcours qui, s’il est un peu court, n’en demeure pas moins parfaitement articulé et et tout à fait intelligent.
S’attaquant à la notion humaniste et positiviste d’une appropriation du monde, l’exposition monte, de façon presque dialectique, des oppositions qui font sens et semblent se révéler non pas dans un désir de connaissances mais bien dans l’expérimentation concrète des choses comme forces en action, insoumises au fantasme d’abstraction idéale. En effet, quelle promesse, quelle fixité peut émaner d’un monde en mouvement, par nature imprévisible ? Peut-être celle d’abord d’une différence constante.
« The Promise of Moving Things — The Registry of Promise : part 3 », Le Crédac, Centre d’art contemporain d’Ivry du 11 septembre au 21 décembre 2014. En savoir plus La première salle expose, sous forme d’aporie, cette tension entre deux forces opposées ; d’abord les sphères de cire déposées à même le sol par Hans Schabus pourraient être vues comme une tentative radicale de maintenir une fixité du mouvement. Inanimées, leur apparence facilement accessible n’est pas sans évoquer le célèbre épisode cartésien du morceau de cire. Malgré notre perception directe de l’objet, impossible d’en saisir toute la complexité, ses multiples modifications à l’approche d’une source de chaleur. Nos sens, ici non plus, ne permettent pas de déceler, derrière la simplicité élémentaire de la sphère, le réseau de cellules cachées de ces objets soumis à la transformation, à l’altération par l’air même. Comme par opposition, Mandla Reuter suspend dans les airs une lourde armoire et lui impose, dans sa lévitation « contre-nature », un mouvement quasi imperceptible mais nécessaire à son maintien.La perception de la fixité apparaît ainsi comme toujours parcourue d’une multitude de significations ; pour l’obtenir, il faut nécessairement mouvement. Une idée que poursuit la très belle projection d’Alexander Gutke. Des traces dans la neige, une mise en abîme du projecteur qui apparaît lui-même dans la projection, l’identité ne serait-elle pas cette forme cyclique du recommencement, une répétition nécessaire du mouvement. La boucle vidéo d’une minute est ici elle-même prise dans un mouvement de boucle visuelle, condamnée à se répéter elle-même. On entre ainsi au cœur de la promesse spirituelle de l’éternel recommencement, une manière également d’accepter la tragique impossibilité d’un quelconque élément immuable du monde, si ce n’est son mouvement.
Dans la salle suivante, les étranges objets métalliques d’Antoine Nessi qui évoquent des pots d’échappement, outils indissociables du mouvement automobile, sont condamnés à la fixité. Hors de leur usage, de leur fonctionnalité, les objets changent de nature et se font prothèses, membres organiques détachés d’un corps inconnu. En ce sens, le changement apparaît comme un critère essentiel de la définition de notre monde. En face, Nina Canell fige dans l’immuabilité une résine qui a vraisemblablement coulé auparavant, durcie sous l’effet du temps. Elle s’applique également à imposer un mouvement, par le biais d’une mécanique électrique dont la légèreté et la subtilité pourraient être tout aussi bien naturelles, à un minuscule morceau de papier adhésif.
L’oscillation, pareille à celle qu’imposerait une légère brise aux feuilles de l’arbre, cache peut-être un début de réponse à cette exposition en forme de questionnement ; n’est-ce pas finalement en tentant de rejoindre le mouvement naturel que l’homme pourrait réaliser la seule promesse possible, celle de suivre l’ordre premier de son essence, celui de la nature ?