Crossing Mirrors à la Rosenblum Collection & Friends
« Crossing Mirrors », Rosenblum Collection & Friends du 18 octobre 2012 au 18 juillet 2013.
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Loin d’un banal comparatisme, Crossing Mirrors ordonne une approche croisée de l’art, de l’ethnologie et du politique. Au primitif se mêle une cartographie du contemporain, lui aussi façonné par le mythe, qu’il s’empare des codes anthropologiques liés à l’initiation et à la fertilité, ou qu’il en crée de modernes. Il faudrait ici parler d’archéologie poétique tant le neuf décrypte l’ancien en réfléchissant son absence aux sites archaïques. Des échos sont à lire tantôt dans les plis sanglants de ce drap collecté à la morgue par Teresa Margolles, tantôt dans les coulures, monstrueuses, sensuelles, à leur manière, de Trophy Hunter, « monument » signé Sterling Ruby, qui semble affirmer le tragique d’une mise à mort rituelle. Portés par une scénographie sensible, de forme limpide et rythmée, les imaginaires inuit, américain ou congolais se croisent sans se connaître, participant d’un même flux, d’un même universel où les sens — ouïe, toucher — sont convoqués. En témoigne The School for Objects Criticized, installation sonore d’Alexandre Singh, qui manifeste, dans une veine fantaisiste, une étonnante maîtrise du dialogue. La collection d’objet d’Amanda Ross-Ho — noix de coco gravée par un bagnard, monnaie en dent de cachalot ou masques navajos — « [restaure] dans la société moderne une façon d’animisme ». « Comme un mythe, un masque nie autant qu’il affirme ; il n’est pas fait seulement de ce qu’il dit ou croit dire, mais de ce qu’il exclut. N’en est-il pas de même pour toute œuvre d’art ? » (Claude Lévi-Strauss, La Voie des masques ). Et là se trouve l’originalité de cette exposition, ce qu’elle a de stupéfiant dans l’équilibre de ses motifs et ses jeux de miroir, tandis que sourdent, de masques chamaniques ou d’ex-votos, de tel crâne d’ancêtre ou de telle figure vaudou, les murmures de l’histoire.